Relations mai-juin 2018
Une tradition vivace et en renouvellement constant
La Révolution tranquille et le concile Vatican II n’ont pas mis un terme à la tradition chrétienne d’engagement politique et spirituel ; ils ont plutôt galvanisé, et même radicalisé, ce désir d’engagement des chrétiens et des chrétiennes, qui ont été nombreux à prendre part aux luttes sociales des années 1960 à 1980. L’aggiornamento conciliaire a libéré la parole des chrétiens progressistes, qui se sont dotés de nouvelles tribunes, au diapason de ce désir d’engagement au sein des luttes populaires : les dominicains lancent la revue Maintenant en 1962 ; les oblats mettent sur pied le Centre de pastorale en milieu ouvrier et fondent la revue Vie ouvrière en 1979 ; les jésuites donnent un nouveau visage à la revue Relations et font plus que jamais la jonction entre justice et foi.
Dynamisés par le concile, les catholiques sociaux se radicalisent dans le sillage de l’encyclique Populorum progressio (1967) sur le développement solidaire des peuples – et plus encore au lendemain de l’Assemblée des évêques latino-américains à Medellín, en Colombie (1968). Des contacts se nouent alors entre le Québec et l’Amérique latine, notamment par le biais des membres de L’Entraide missionnaire. C’est par ces réseaux que les chrétiens d’ici prennent contact avec la pédagogie des opprimés de Paolo Freire et avec la théologie de la libération de Gustavo Gutiérrez et de Leonardo Boff, entre autres. Ces contacts se transforment bientôt en solidarité directe, au gré des allers-retours constants entre le Québec et l’Amérique latine, qui s’influencent réciproquement. Solidaires des luttes des peuples de l’hémisphère Sud, parfois même jusqu’au martyre, missionnaires et coopérants laïques s’engagent dans diverses luttes pour la justice sociale, résistant aux côtés des paysans et groupes populaires du Sud, dénonçant le soutien du gouvernement canadien aux juntes militaires ou aux compagnies minières prédatrices actives dans ces pays. De Développement et Paix aux Politisés chrétiens, en passant par les Chrétiens pour le socialisme, les chrétiens et chrétiennes d’ici galvanisent leur propre résistance contre le virage néolibéral qu’empruntent les gouvernements du Québec et du Canada, à partir des années 1980.
Toujours vivace, cette tradition d’engagement chrétien se redéploie ces dernières années à la faveur des luttes contre la pauvreté, pour la dignité des peuples autochtones ou en faveur de la justice climatique et environnementale.