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Esquisse d’histoire du nouveau flux migratoire haïtien
Publié le 30 août 2017Par : Wooldy Edson Louidor
Ce texte dresse un portrait des configurations que prend la migration haïtienne à l’échelle continentale américaine. Il propose des éléments de réponse à certaines questions que pose ce flux migratoire aux États et gouvernements du continent.
Presque toutes les représentations – conçues antérieurement à l’année 2010 – de la migration haïtienne et de sa démographie (à peu près, le tiers de la population comptant presque 11 millions d’habitants) ont spatialement circonscrit la géographie de cette diaspora aux trois plus grands pays récepteurs de flux haïtiens : les États-Unis d’Amérique, la République dominicaine et le Canada, sous-estimant les autres destinations situées surtout au sud. Cette « géographie de l’imaginaire », expression chère au géographe haïtien Michel-Rolph Trouillot, a pendant longtemps dominé les études sur la migration haïtienne[1] . Par exemple, dans sa carte intitulée « Les Haïtiens dans le monde » (1982 et 2005)[2], Georges Anglade établit deux grandes vagues de la migration haïtienne du XXe siècle (1915-1934 et 1965-1985) qui, selon lui, « ont créé la diaspora qui, au Tricentenaire, 2005-2104, fait partie du nouvel espace haïtien ».
Selon le géographe haïtien de regrettée mémoire, la première vague se situerait au tout début de la migration haïtienne et se dirigerait principalement vers la République dominicaine (et, en moins grand nombre, vers Cuba), dans le contexte de l’« occupation américaine » de l’île (Haïti de 1915 à 1934 et le pays voisin de 1916 à 1924) et de l’expansion du capital étasunien dans les Caraïbes par l’intermédiaire de l’industrie sucrière.
La deuxième vague serait liée à l’exil haïtien, provoqué par la dictature féroce de la famille Duvalier (de 1957 à 1986), vers les États-Unis d’Amérique, le Canada et – dans une moindre mesure – vers d’autres îles des Caraïbes, des pays de l’Amérique latine (en particulier, le Venezuela et le Mexique), l’Europe et l’Afrique; et ce, dans le cadre de la Guerre froide qui a eu l’un de ses épicentres dans les Caraïbes et, plus particulièrement, à Cuba.
À la suite du tremblement de terre ayant frappé Haïti le 12 janvier 2010, une troisième vague migratoire haïtienne a déferlé, cette fois-ci sur l’Amérique du Sud, qui depuis « s’est transformée peu à peu en un nouveau pôle de migration pour les Haïtiens»3[3] . Sitôt qu’ils ont eu la possibilité de voyager hors de leur pays, les Haïtiennes et Haïtiens, dans leur grande majorité des jeunes, ont émigré vers l’Amérique du Sud avec l’espoir de trouver accès à l’éducation et de reconstruire leur projet de vie. Le Brésil, le Chili et l’Équateur constituent les principaux pôles d’attraction de cette troisième vague migratoire[4].
Cependant, depuis à peu près deux ans, on a observé l’affluence du flux migratoire haïtien, de l’Amérique latine vers les États-Unis d’Amérique; flux qui est loin d’être interrompu, et ce, malgré le durcissement de la politique migratoire du grand voisin du Nord et des pays de transit en Amérique latine. En quoi ce flux est-il nouveau? Quelles réponses les États-Unis et les pays de transit en Amérique latine ont-ils données? Quelles sont les questions (en termes de protection des droits humains des migrants) que pose ce flux aux États et gouvernements du continent? Le texte essayera d’apporter des éléments de réponse.
Un flux migratoire nouveau
Il y a lieu de signaler qu’avant de s’établir dans les trois principaux pays d’accueil en Amérique du Sud, la troisième vague migratoire haïtienne a fait face à des situations que l’on peut qualifier d’ « errance ». Conduits par des réseaux de trafiquants et avec en tête l’unique idée de fuir leur pays d’origine, des contingents de migrants haïtiens arrivaient en Amérique du Sud, déboussolés; venant d’un morceau d’île d’une superficie d’un peu plus de 27 000 kilomètres carrés, ils n’étaient pas habitués à parcourir un immense territoire, comme l’Amazonie, par exemple.
Dans un premier temps, la grande majorité des migrants haïtiens voulaient atteindre la Guyane française, vu que ce territoire fait partie de la tradition et de l’imaginaire de la migration des Haïtiennes et Haïtiens, surtout les habitants du sud du pays (dont Les Cayes et les villes environnantes). En fait, il existe une communauté haïtienne composée de 50 000 personnes installées en Guyane française, selon Georges Anglade.
À la suite de la fermeture de la frontière – avec le Brésil – de ce département et région d’outre-mer (DROM) par le président français d’alors, Nicolas Sarkozy (vers septembre 2010), les Haïtiennes et Haïtiens se sont vu obligés de rester dans les pays où ils se trouvaient : au Chili, au Brésil et, dans une moindre proportion, en Équateur[5] .
Cependant, les images récentes de milliers de migrants haïtiens bloqués à la frontière du Mexique avec les États-Unis, en attente d’une décision du gouvernement étasunien, ont surpris le monde entier et, d’une manière particulière, ce pays. Dans les imaginaires, la migration haïtienne (irrégulière) vers les États-Unis est surtout associée à l’arrivée de boat-people arrivant sur les côtes de la Floride dans des embarcations de fortune. Une migration courageuse bravant le passage du vent et de la mer des Caraïbes et fuyant la dictature duvaliériste (à la fin des années 1970) et les régimes militaires putschistes successifs, tout au long des années 1980.
Le coup d’État orchestré le 30 septembre 1991 par le général Raoul Cédras contre le président populaire, et ancien prêtre salésien Jean-Bertrand Aristide, est devenu un symbole du drame des boat-people haïtiens aux États-Unis. Les boat-people fuyant le coup d’État ont alors non seulement fait la une des journaux étasuniens, mais ont aussi suscité une vaste mobilisation de la diaspora haïtienne et des défenseurs des migrants et des droits humains. Cette migration a aussi alimenté la recherche académique et inspiré la création littéraire aux États-Unis[6] .
La réponse des États-Unis
Comment ont réagi les États-Unis face à la nouvelle vague migratoire haïtienne en provenance de l’Amérique du Sud? Le 22 septembre de l’année 2016, par un communiqué officiel du bureau de presse du secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis d’alors, Jel Charles Johnson, l’administration de l’ex-président Barack Obama a levé le moratoire des déportations d’Haïtiens – établi à la suite du séisme du 12 janvier 2010, pour des raisons humanitaires. Cette décision a donné libre cours à la reprise immédiate des déportations, qui sera suspendue pour une courte pause (à la suite du passage de l’ouragan en Haïti le 4 octobre dernier) et rapidement réétablie à la fin novembre[7] .
Deux raisons principales auraient présidé à la décision du président Obama de reprendre les déportations de ces migrants, selon Jeh Charles Johnson[8] . Il s’agirait, d’une part, de contrecarrer l’arrivée massive des migrants haïtiens à la frontière mexico-étasunienne; et, d’autre part, de réduire le nombre significatif de ces étrangères et étrangers (entre 4 400 et 5 000) dans les centres de détention pour immigrants (surchargés) basés à cette frontière.
Ces déportations vers Haïti, opérées régulièrement – à peu près aux 15 jours – ont découragé les migrants haïtiens de franchir le dernier pas vers le sol étasunien, après avoir traversé le continent du sud au nord. Ils ont préféré attendre (mais en vain!) un dernier geste du premier président noir des États-Unis. En outre, les Haïtiennes et Haïtiens ont reçu une douche froide le 12 janvier 2017, quand la Maison Blanche a annoncé la décision de Barack Obama (en fin de mandat) d’éliminer le privilège, connu sous le nom de « pieds secs, pieds mouillés » et accordé depuis plus de 20 ans aux Cubaines et Cubains foulant le sol de ce pays (privilège refusé à ceux et celles qui arrivent en mer), d’obtenir la résidence permanente de manière immédiate.
Il faut souligner que les Cubaines et Cubains, habituellement, parcourent le même trajet que les migrants haïtiens (des Caraïbes vers l’Amérique du Sud et ensuite l’Amérique centrale); en plus, les deux partagent d’autres affinités : leur origine caribéenne, des liens historiques et de coopération entre leurs pays et leur statut migratoire de plus en plus vulnérabilisé dans le continent américain. Cette situation a beaucoup affecté les migrants haïtiens. L’ascension au pouvoir aux États-Unis, le 20 janvier dernier, du nouveau président républicain Donald Trump (par ailleurs, très reconnu pour son discours et ses premières mesures anti-immigrantes), a intensifié la panique et la peur chez ces migrants haïtiens bloqués à la frontière mexico-étasunienne, plus précisément en Basse Californie (l’un des 32 États du Mexique). Ils ont perdu tout espoir d’être accueillis sous l’administration d’un président hostile. Il semble qu’environ 7 000 Haïtiennes et Haïtiens ont définitivement renoncé au « rêve américain », en choisissant de préférence de demander l’asile ou un visa humanitaire au Mexique, selon Wilner Metelus, président de l’organisation CCDAN (Comité Ciudadano en Defensa de los Derechos de los Afrodescendientes y Naturalizados)[9].
Cependant, jusqu’ici ils font du surplace, à cause des difficultés à trouver l’asile à Tijuana (au Mexique), en raison de l’absence de bureaux et de représentants de la Commission mexicaine d’aide aux réfugiés (COMAR), organisme du gouvernement mexicain en charge des réfugiés et demandeurs d’asile. Malgré tout, d’autres Haïtiennes et Haïtiens, en particulier ceux et celles se trouvant en Haïti et au Brésil, n’ont pas renoncé à entreprendre le périple. Depuis le début de 2017, des milliers de migrants haïtiens auraient pris la route et se seraient présentés aux frontières entre le Costa Rica et le Nicaragua, et entre la Colombie et le Panama, selon plusieurs sources.
Alors que les États-Unis continuent de durcir le ton sur la migration, le Mexique a décidé de légaliser les Haïtiens en leur accordant deux options pour régulariser leur situation, selon l’ambassadeur d’Haïti au Mexique, Guy Lamothe. Dans une interview accordée au journal Le Nouvelliste, le diplomate haïtien a expliqué les deux options : « Pour le séjour d’un an renouvelable, tous les Haïtiens peuvent appliquer, ils l’auront. Pour la résidence permanente, cela sollicite beaucoup plus de prérequis, on peut donc accepter ou refuser [10]».
Cependant, selon Wilner Metelus, beaucoup d’Haïtiens ne disposant pas d’un passeport valide (l’un de ces prérequis) ne peuvent entamer leurs démarches de régularisation au Mexique, parce qu’ils ne peuvent débourser les 100 dollars US exigés par les autorités consulaires de leur pays. Des Haïtiennes sont tombées dans les filets de la prostitution à Tijuana, vu la précarité économique à laquelle elles doivent faire face désespérément après avoir tout dépensé durant le périple, selon ce défenseur des droits humains des migrants.
D’autre part, des migrants haïtiens ont commencé à traverser la frontière canadienne, fuyant les États-Unis d’Amérique par peur d’éventuelles déportations vers Haïti, au cas où l’administration de Donald Trump refuserait de renouveler, en janvier 2018, leur Statut de protection temporaire (TPS, pour son sigle en anglais). Ce statut temporaire est une figure de protection migratoire créée pour une période de temps déterminée (de six mois à un an, renouvelable) par les États-Unis d’Amérique pour permettre à des étrangers originaires de certains pays en détresse (en proie à une catastrophe environnementale ou épidémique, à un conflit armé ou à d’autres conditions extraordinaires et temporaires) de rester légalement dans le pays.
Les réponses des gouvernements de pays latino-américains : le cas de la Colombie
Des gouvernements de l’Amérique latine ont fait état de chiffres étonnants – pour plus d’un – concernant la vague de migrants haïtiens en transit sur leur territoire en 2016. Par exemple, 20 366 migrantes et migrants haïtiens en situation irrégulière ont été identifiés en Colombie au cours de l’année 2016, selon le rapport annuel présenté le 12 janvier dernier par les autorités migratoires de ce pays[11]. Ces personnes migrantes apparaissent ainsi pour la première fois en tête de la liste des étrangères et étrangers. S’agissant du voyage périlleux qu’ils ont dû entreprendre, il faut sans doute souligner qu’ils se sont retrouvés là en recourant pour un bon nombre d’entre eux à des réseaux de trafiquants illégaux : dans les départements d’Antioquia, Nariño, Valle del Cauca, Risaralda et Cauca principalement, dans leur parcours vers les États-Unis d’Amérique.
Les Haïtiennes et Haïtiens devancent largement tous les étrangers et étrangères transitant par la Colombie et qui sont en quête du « rêve américain » : en particulier ceux et celles originaires de Cuba (8 167), de l’Inde (874), de la RD Congo (570) et du Népal (553). Ces chiffres émanent d’un rapport publié sur le site web de Migración Colombia (ibid.). Tout cela n’est pas sans susciter des questionnements au sein des organisations de défense des droits humains des migrantes et migrants et du milieu universitaire de la Colombie.
Parmi ces questionnements figurent ceux-ci : la déportation est-elle la seule mesure que les autorités colombiennes devraient utiliser pour faire face à la crise découlant de ce grand afflux de migrants en transit? L’approche basée sur la sécurité est-elle appropriée, quand ces personnes migrantes en transit ont surtout besoin de l’assistance humanitaire et de la protection de leurs droits? Comment articuler des réponses cohérentes et respectueuses des droits des migrants en Colombie, sur base d’accords entre le gouvernement central de Bogota et, d’une part, les autorités locales (en particulier, celles des localités frontalières), et, d’autre part, les gouvernements d’autres pays en Amérique Latine?
Le Brésil est considéré comme le principal pays d’où proviennent les migrantes et migrants haïtiens qui ont eu la possibilité de régulariser leur statut dans ce pays : on évalue à plus de 80 000, selon les autorités brésiliennes (ibid.). Mais voilà que ces migrants largement désespérés pâtissent, depuis environ deux ans, de la crise politique et économique que traverse le géant sud-américain. Cette crise a frappé de plein fouet le secteur de la construction qui a pu un temps absorber la main-d’œuvre étrangère dans la foulée des projets d’infrastructure en vue de l’organisation de la dernière Coupe du monde de football en 2014. Depuis, le ralentissement et la crise ont fait de ces migrants les premières victimes du chômage.
En outre, la perpétration d’actes ouvertement racistes commis contre des migrants haïtiens dans des villes brésiliennes, et conduisant à des homicides, s’avère une grande préoccupation au sein de la communauté haïtienne se trouvant dans ce pays. Puisque leur pays d’origine, Haïti, ne constitue pas une option et qu’ils n’envisagent pas d’y retourner, en raison de la crise humanitaire qui s’est aggravée depuis le séisme du 12 janvier 2010, ils préfèrent entreprendre le périple vers les États-Unis : et ce, en traversant fleuves, montagnes et forêts. Tout en devant faire face à toutes sortes de risques, de menaces. Des parcours qui comportent leur lot de violations de leurs droits humains, d’atteintes à leur dignité et qui menacent leur vie .
« Le nombre de migrants irréguliers établi par Migración Colombia – au cours de l’année 2016 – dépasse de quatre fois celui de l’année antérieure. Il constitue un exemple clair de ce que les contrôles effectués, les mesures prises et le travail réalisé par l’autorité migratoire colombienne donnent comme résultats » : c’est ce que se plaisait à rappeler, non sans satisfaction, le directeur de Migración Colombia, Krüger Sarmiento. Cependant, des experts en migration ont souligné que le durcissement qui accompagne ces contrôles a, au contraire, augmenté les risques et dangers auxquels ces migrants se sont vus confrontés. Ce qui a pour effet de les obliger –notamment – à utiliser les « services » des trafiquants et d’autres réseaux criminels (dont ceux de la drogue et de la prostitution) pour contourner les mesures de contrôle très strictes mises en place par les autorités.
Le rapport de Migración Colombia a, en outre, signalé plusieurs points par où les étrangers en transit sont entrés sur le sol colombien : Putumayo, Amazone, l’île de San Andrés et d’autres points frontaliers avec l’Équateur, le Brésil et le Pérou, ainsi que les routes empruntées pour atteindre l’Amérique centrale. Il relate aussi les montants payés aux réseaux de trafiquants pour arriver en Colombie, entre 2 000 et 2 500 dollars américains en moyenne. Ce qui est énorme pour ces personnes.
D’autres sources indiquent que les migrants peuvent payer jusqu’à 10 000 dollars américains pour entreprendre le voyage (traversant le continent, du sud au nord) à la frontière du Mexique avec les États-Unis d’Amérique. Par ailleurs, dans un entretien accordé à la presse colombienne[12], Krüger Sarmiento a affirmé que l’entité qu’il dirige a déporté plus de 20 000 Haïtiens et 8 000 Cubains en 2016. Il n’a toutefois pas donné plus d’informations sur les pays vers lesquels les migrantes et migrants haïtiens en particulier ont été déportés et surtout sur les conditions dans lesquelles ces déportations ont eu lieu.
Ce qui ne manque pas de soulever des questions – jusqu’ici sans réponse –, des inquiétudes et des appréhensions au sujet de la destination de ces migrants déportés. Ont-ils été rapatriés en Haïti? Ont-ils été refoulés en Équateur et dans les autres pays d’où ils arrivaient (le Pérou, le Brésil, le Venezuela, etc.)? Ont-ils poursuivi leur parcours vers l’Amérique centrale? Combien d’entre eux ont péri en cours de route? Rappelons que le Conseil d’État de la Colombie (l’une des plus hautes cours de justice du pays) a dénoncé, dans une sentence rendue publique à la mi-novembre de l’année 2016[13], le caractère illégal des déportations de migrantes et migrants cubains. Il a relevé des cas de violations des droits humains de ces étrangers opérées qui ont eu lieu en août de l’année 2016 dernière à la frontière de la Colombie et du Panama : plus particulièrement dans la localité colombienne de Turbo. Ce rapport impute ces violations aux autorités migratoires et policières colombiennes.
Ce nouveau flux migratoire haïtien, de l’Amérique latine vers les États-Unis, a connu des pics en 2016. Par exemple, des médias internationaux[14] et d’autres organisations de défense des droits humains avaient fait état de l’arrivée, fin 2016, de 12 000 migrants haïtiens à la frontière mexico-étasunienne : en particulier à la ville mexicaine de Tijuana. En conséquence de quoi Tijuana (ville très frappée par l’insécurité, à l’instar de plusieurs autres zones du Mexique) aurait dû faire face à une grave crise humanitaire. Ce qui se traduit par l’absence de logement, de nourriture, de mesures d’hygiène, ainsi que par de sérieuses menaces à la sécurité et à l’intégrité de ces personnes migrantes en situation de grande précarité.
Des questions sans réponse
Face à ce panorama complexe, il y lieu de se poser plusieurs questions : comment chiffrer ce nouveau mouvement migratoire haïtien au niveau continental? Comment repérer les routes empruntées par les migrants et relever les facteurs de risques et problèmes de protection auxquels ils doivent faire face? Comment tenir compte du caractère spécifique des violations de droits qui sont notamment liées au genre, à l’appartenance ethnique, à la génération…? Quelles répercussions résulteront de la décision prise par l’administration Obama de fermer la porte aux migrantes et migrants haïtiens et cubains sur les pays de transit en Amérique latine? Assistera-t-on à une cascade de crises humanitaires dont seront victimes ces migrantes et migrants, en plus de ceux et celles originaires d’Afrique et d’Asie? Que se passera-t-il en janvier 2018, date de l’expiration du TPS qui a permis jusqu’ici à plus de 60 000 Haïtiennes et Haïtiens de rester légalement aux États-Unis? Le Canada sera-t-il une alternative pour ces migrants?
Ces pays sud-américains et centraméricains maintiendront-ils leur décision de fermer leurs frontières – à l’instar du Costa Rica, du Nicaragua et du Panama – ou de déporter ces migrants, comme le font la Colombie et l’Équateur? Que fera le Mexique face à cette situation si complexe : négocier avec Donald Trump, avec le régime castriste, avec le gouvernement haïtien, ou déporter les migrants vers leur pays d’origine? Le gouvernement haïtien sera-t-il enfin à la hauteur de ses responsabilités face à ses concitoyennes et concitoyens en détresse au long du continent américain? L’Organisation des États américains (OEA) se prononcera-t-elle enfin sur cette crise migratoire continentale? Autant de questions auxquelles l’on devra répondre et qui se doivent d’être portées au débat public et citoyen.
L’auteur est professeur et chercheur à l’Instituto de Estudios Sociales y Culturales PENSAR-Pontificia Universidad Javeriana, à Bogota, en Colombie.
[1] Ce texte est le fruit du projet de recherche intitulé « Hétérogénéité du sujet migrant haïtien ». Il est financé par l’Instituto PENSAR.
[2] Voir la carte dans ce lien actif: http://ile-en-ile.org/georges-anglade-les-haitiens-dans-le-monde/
[3] Wooldy Edson Louidor « L’Amérique du Sud : pôle d’attraction de la migration haïtienne», Webzine Vivre ensemble, Vol.19, No 69, Automne 2011. Lien actif : https://cjf.qc.ca/fr/ve/article.php?ida=2771
[4] Wooldy Edson Louidor (2011) Los flujos haitianos hacia América Latina: situación actual y propuestas. Caracas, Venezuela: Análisis de coyuntura AMÉRICA LATINA Y CARIBE. Abril-junio 2011. Centro Gumillas. http://gumilla.org/files/documents/Analisis%20abriljunio%202011.pdf.
[5] Wooldy Edson Louidor, « L’Amérique du Sud : pôle d’attraction de la migration haïtienne», Webzine Vivre ensemble, Vol.19, No 69, Automne 2011. Lien actif : https://cjf.qc.ca/fr/ve/article.php?ida=2771
[6] Par exemple, le roman de Russel Banks (Continents à la dérive, Actes Sud, Paris, 1994) et le livre de Anthony Catanese « (Haitians : Migration and Diaspora. Westview Press, Boulderand Oxford, 1999). Pour plus d’information : Wooldy Edson Louidor, « La nécessité de mondialiser l’hospitalité : une relecture du roman Continent à la dérive de Russel Banks », Webzine Vivre ensemble, Vol.21, No 73, Printemps 2014. Lien actif : http://www.cjf.qc.ca/fr/ve/article.php?ida=3362
et aussi Wooldy Edson Louidor, « Les migrants en provenance d’Haïti sont-ils des réfugiés environnementaux? » Webzine Vivre ensemble, Vol.19, No 66, Printemps 2014. Lien actif : http://www.cjf.qc.ca/fr/ve/article.php?ida=2936
[7] “U.S. picking up pace of deportations to Haiti”, by Jacqueline Charles (Miami Herald, Miami, November 23, 2016). Lien actif : http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article116755773.html
[8] Communiqué de presse de l’Ambassade des États-Unis à Port-au-Prince, 23 novembre 2016, » Déclaration du Secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis, Jeh Charles Johnson, sur la reprise des déportations vers Haïti ». Lien actif : https://french.haiti.usembassy.gov/comm-presse-declaration-sec-johnson-23-nov-2016.html
[9] “7 mil haitianos varados buscan estatus de refugiado: ONG” (El Universal, México, 28 de enero de 2017). Lien actif: http://www.eluniversal.com.mx/articulo/estados/2017/01/28/7-mil-haitianos-varados-buscan-estatus-de-refugiado-ong
[10] « Le Mexique régularise tous les Haïtiens bloqués à Tijuana », Journal Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 10 mai 2017. Lien actif : http://lenouvelliste.com/article/170912/le-mexique-reguralise-tous-les-haitiens-bloques-a-tijuana
[11] Comunicado de prensa No. 04. 12 de enero del 2017. Migración Colombia. CERCA DE 34 MIL MIGRANTES IRREGULARES FUERON DETECTADOS POR MIGRACIÓN COLOMBIA EN 2016. http://migracioncolombia.gov.co/index.php/es/prensa/comunicados/comunicados-2017/enero-2017/3837-cerca-de-34-mil-migrantes-irregulares-fueron-detectados-por-migracion-colombia-en-2016
[12] Migración ilegal se disparó en Colombia en el 2016: 34.000 personas” (El Tiempo, Bogotá, 13 de enero de 2017). Lien actif : http://www.eltiempo.com/politica/justicia/migracion-ilegal-en-colombia/16791458
[13] “Llamado de atención a Migración Colombia por trato a migrantes” (El Tiempo, Bogotá, 16 de noviembre 2017). Lien actif : http://www.eltiempo.com/politica/justicia/trato-de-migrantes-cubanos-por-parte-de-migracion-colombia/16752070
[14] “Over 12,000 Haitians in Mexican city hope to enter US” (TRT World, January 7, 2017). Lien actif : http://www.trtworld.com/americas/over-12000-haitians-in-mexican-city-hope-to-enter-us-269885