Relations décembre 2006

Les veines ouvertes de l'Afrique

David Fines

Un code de conduite obligatoire

L’auteur est responsable des communications publiques pour l’Église unie du Canada

Le 12 septembre dernier, l’Église unie du Canada a fait une présentation aux Tables rondes nationales sur la responsabilité sociale des entreprises et le secteur de l’exploitation minière canadienne dans les pays en développement. Cette séance avait lieu à Toronto, dans le cadre d’une tournée des grandes villes canadiennes. À cette occasion, l’Église unie a recommandé au gouvernement canadien d’imposer aux compagnies canadiennes exerçant leurs activités à l’étranger des normes sévères assorties de mécanismes de surveillance et d’observation.

Cette recommandation concerne particulièrement les compagnies minières, gazières et pétrolières. Elle s’appuie sur le fait que, depuis plusieurs années, nombreux et congruents sont les rapports négatifs des partenaires œcuméniques de l’Église unie d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, quant aux agissements de ces compagnies canadiennes de prospection, d’extraction ou d’exploitation de minerais. Ces compagnies sont connues et les noms ont été fournis au gouvernement du Canada. Ces rapports relatent de nombreux cas, de plus en plus fréquents, tant de destruction de l’environnement que de dommages écologiques (déforestation majeure, déversements sauvages de produits toxiques ou contamination des écosystèmes). Ces rapports font état de violations des droits des travailleurs, de la démocratie locale et des droits humains, incluant des déplacements de populations. Les pires situations dénoncées se retrouvent aux Philippines, en République démocratique du Congo et au Guatemala.

L’une des raisons du problème vient du fait qu’il y a, dans nombre de pays où ces compagnies sont à l’œuvre, un manque de réglementations ou alors un certain laxisme dans les mesures de protection de l’environnement et des droits de la personne. Il n’en demeure pas moins que la protection des écosystèmes et la mise en application de normes du travail acceptables représentent des coûts auxquels beaucoup de compagnies s’opposent. Non seulement les compagnies canadiennes résistent-elles à se conformer à ces normes – quand elles existent – ou à les dépasser, mais elles agissent souvent sans rendre de comptes à qui que ce soit.

Ces actes nocifs et ces attaques aux droits humains et à l’environnement seraient immédiatement jugés illégaux et condamnés au Canada. Les compagnies subiraient les sanctions prévues par les lois. Certaines de ces compagnies pourraient même être déclarées totalement dans l’illégalité. Par une déclaration en quatre points, l’Église unie a demandé au gouvernement canadien, premièrement, d’obliger les compagnies minières – et les autres secteurs industriels –se conformer aux lois canadiennes, ou du moins à une réglementation s’en rapprochant, incluant des normes obligatoires et exécutoires. Deuxièmement, d’accompagner ces normes de mécanismes de contrôle efficaces, essentiels pour assurer un comportement respectueux de l’éthique à ces entreprises canadiennes. L’approche des « normes volontaires » actuelle n’est tout simplement pas satisfaisante, car aucun traité, accord officiel ou signature, ne contraint les compagnies à s’y conformer. Les deux autres points demandent au gouvernement canadien d’instaurer un mécanisme d’imputabilité de la part des compagnies et de leurs dirigeants et de se faire l’avocat de l’instauration de standards quant aux droits humains et environnementaux auprès d’institutions internationales – comme la Banque mondiale.

L’autre aspect de la déclaration est la dénonciation – à la suite de la divulgation d’information crédible – d’une pratique établie de soutien consulaire aux compagnies minières œuvrant à l’étranger. Plusieurs consulats canadiens à l’étranger, en effet, fournissent de l’assistance politique et même de l’aide financière à ces compagnies minières. On y retrouve même une personne désignée à cette fonction. Ainsi, par ses impôts payés au gouvernement fédéral, c’est toute la population canadienne qui contribue aux activités nocives, dangereuses et même parfois illégales de ces compagnies.

Déjà, en 2001, l’Église unie avait tiré une première sonnette d’alarme dans le cadre de la série télévisée Spirit Connection dénonçant les impacts dévastateurs de l’exploitation minière sur les populations autochtones. Kairos (Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice) avait fait de même en 2004. L’Église unie revenait à la charge, en 2005, par l’envoi au gouvernement canadien d’une lettre co-signée par de nombreux partenaires de la société civile. De fréquents articles ont aussi paru dans les diverses revues de l’Église unie sur ce sujet. Ce laisser-aller des compagnies extractives et ce soutien immoral de la part du gouvernement ne peuvent plus être tolérés, car ils tournent en dérision l’engagement pour la démocratie, les droits humains et la protection de l’environnement dont se targue le Canada.

Les veines ouvertes de l'Afrique

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