Relations mai 2010

Marco Veilleux

Relations et la question nationale

L’auteur est membre de l’équipe du Centre justice et foi

Voici comment Relations a traité de la souveraineté du Québec au fil des ans.

En janvier 1980, quelques mois avant le premier référendum sur la souveraineté, Relations (no 455) demande à cinq historiens d’analyser comment l’histoire est utilisée dans le Livre blanc qui présente la position constitutionnelle officielle du gouvernement du Parti québécois. Parmi ceux-ci, René Durocher souligne que « la vision monolithique de deux blocs : Canada anglais/Québec, l’absence de jonction entre le collectif et l’individuel, de même qu’entre la question nationale et la question sociale en laissera plusieurs perplexes ». Selon lui, une des grandes lacunes de cet argumentaire consiste à ne développer que le point de vue des Québécois francophones, et même d’une certaine classe sociale, voire de certains groupes sociaux que représente plus particulièrement le Parti québécois.

L’historien Guy Laperrière met en lumière que ce Livre blanc pose de manière fondamentale la question de l’identité, mais sans jamais la « problématiser ». On y parle beaucoup du peuple québécois, des Québécois et on utilise souvent le nous. Mais que désigne ce « nous »? Que peut-il signifier pour les anglophones et les Autochtones?

En mars 1980, l’éditorial de Relations (no 457), signé par Irénée Desrochers, affirme que la question nationale se subordonne à la question sociale. Selon lui, « il ne s’agit pas seulement de l’autodétermination nationale d’un peuple, mais de l’autodétermination sociale des masses populaires. Lequel des cadres constitutionnels place le pouvoir là où la majorité populaire du Québec a la meilleure chance d’avoir une emprise sur lui? »

Dans son éditorial de mai 1980 (no 459), Albert Beaudry, alors directeur de Relations, prend officiellement position en faveur du « oui ». Il le fait toutefois en rappelant que la souveraineté nationale est un moyen qui doit toujours concourir à la réalisation de valeurs fondamentales telles que : 1) le maintien et l’essor, par notre peuple, de sa langue, de sa culture et de son identité; 2) la coexistence multiculturelle harmonieuse; 3) le développement d’un projet de société cohérent et solidaire.

En 1995, année du second référendum, chaque numéro de Relations aborde le projet de la souveraineté. La revue y est favorable, mais toujours comme instrument en vue de réaliser une société plus juste et plus démocratique.

Ainsi, en mars de cette même année (no 608), Julien Harvey affirme que « seul un contrat social intelligent, appuyé sur une base plus large que la simple compétition économique, permettra un projet de société où la liberté sera possible à tous et à toutes, dans la solidarité ».

Pour sa part, Carolyn Sharp, directrice d’alors, écrit dans son éditorial d’octobre (no 614) : « Répondre oui à la question du 30 octobre, c’est mettre fin à 400 ans de survivance. Sur ce “oui”, nous pouvons construire une solidarité sociale qui permette de relever le défi du 3e millénaire. Mais ne nous leurrons pas! Notre option pour la transformation sociale n’est pas partagée par tous les souverainistes, même parmi les plus influents. Au lendemain du référendum, le défi de construire une société plus juste sera toujours présent. »

Dans ce même numéro, Guy Paiement affirme : « La souveraineté est un outil, rien de plus, mais nous devons l’avoir en main si nous voulons travailler à établir une autre façon de vivre et de faire de la politique. Trop de questions importantes, qu’il s’agisse de l’autonomie amérindienne, de l’accueil des nouveaux arrivants ou encore de la formation professionnelle, se heurtent constamment à la volonté hégémonique d’Ottawa et restent en plan. La souveraineté constitue le moyen privilégié pour établir un autre rapport de forces et pour façonner autrement notre société. Si nous ne croyons pas qu’une telle chose est possible, alors aussi bien nous avouer que notre société distincte disparaîtra de la carte et deviendra une sorte de grosse Louisiane. Le “oui” est porteur d’une chance inouïe : celle de nous donner, à tous et à toutes, le goût d’être souverain, c’est-à-dire d’être fondamentalement capable de répondre de ses actes, de les habiter, et d’être ainsi en mesure de sauver, ensemble, une certaine saveur d’humanité. »

C’est certainement au nom de cette « certaine saveur d’humanité » que Relations a pris et continuera de prendre position sur la question nationale (voir le dossier qui lui est consacrée dans Relations, no 668, juin 2001).

 

La souveraineté et ses angles morts

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