Relations mai-juin 2018

Mémoire des luttes au Québec – pour continuer le combat

Frédéric Barriault

Nonviolence. Une arme urgente et efficace – Dominique Boisvert

Chrétien et citoyen engagé, ardent pacifiste, objecteur de conscience et zélateur de la simplicité volontaire, Dominique Boisvert signe ici un essai passionné et convaincant sur la pertinence, la puissance et l’urgence de la non-violence.

L’auteur s’efforce de déconstruire les clichés et stéréotypes un peu fleur bleue qui continuent d’être accolés à la non-violence : loin d’être « une fuite », une « démission » ou même une « lâcheté » devant les injustices sociales et les régimes oppressifs, le refus de la violence est, au contraire, « une attitude qui exige l’implication directe et le courage de ses convictions ». C’est, ajoute-t-il, « une manière différente de mener les mêmes combats nécessaires contre l’injustice, l’oppression ou les violations du droit » (p. 21).

Dominique Boisvert nous convie d’abord à un nécessaire balisage étymologique autour du néologisme nonviolence qu’il se plaît à utiliser, et ce, jusque dans le titre de son essai. L’auteur veut ici faire la distinction entre deux manières différentes d’appréhender le refus de la violence. La première (nonviolence) consiste à faire le choix éthique et politique de refuser – consciemment et délibérément – d’avoir recours à la violence, même lorsqu’il s’agit de résister à un régime politique oppressif et violent. La seconde (non-violence) relève d’une logique pragmatique pour laquelle la non-violence est une stratégie « gagnante ». Tout en exprimant son adhésion pleine et entière à la première acception du terme, il ne rejette pas du revers de la main les dimensions les plus pragmatiques de la résistance non-violente, qu’il présente d’ailleurs – non sans ironie ni bravade – comme une « arme urgente et efficace ».

Dans la première partie du livre, Dominique Boisvert présente les pionniers de la résistance non-violente et de la désobéissance civile. S’appuyant sur le livre de Steven Pinker, The Better Angels of Our Nature (2011) dont il fait la synthèse, il démontre l’irrémédiable déclin de la violence au cours de l’histoire de l’humanité. Ainsi, contrairement aux idées préconçues, « depuis la fin de la guerre froide, en 1989, les conflits organisés de toutes sortes – guerres civiles, génocides, répression par des gouvernements autocratiques et attaques terroristes – ont diminué partout dans le monde » (p. 27). Puis, s’appuyant cette fois sur les travaux de Gene Sharp et sur ceux, plus récents, d’Erica Chenoweth et Maria J. Stephan (Why Civil Resistance Works, 2011), Boisvert s’efforce de démontrer la supériorité stratégique de la non-violence : « une lutte non-violente, dit-il, a deux fois plus de chances d’atteindre ses objectifs, en tout et en partie, qu’une lutte violente » (p. 42).

Tablant sur cette supériorité stratégique et sur l’urgence d’agir face aux nombreux périls auxquels l’humanité est actuellement confrontée, Dominique Boisvert élargit radicalement le spectre de la résistance non-violente, qu’il juge en mesure d’agir efficacement face à diverses urgences planétaires, qu’il s’agisse de lutter contre les changements climatiques (chap. 7), le terrorisme (chap. 8) ou le néolibéralisme (chap. 9) – ou encore de se mobiliser collectivement en réponse aux migrations internationales (chap. 11) ainsi qu’aux violations des droits humains dans diverses régions du monde (chap. 12). Il aborde également l’enjeu de la paix juste (chap. 13) de même que la possibilité de pays sans armée (chap. 14).

Fin pédagogue, Boisvert offre ainsi un excellent ouvrage de synthèse pour quiconque entend s’initier aux tenants et aboutissants de la non-violence.


Nonviolence. Une arme urgente et efficace
Dominique Boisvert

Montréal, Écosociété, 2017, 115 p.

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