Relations septembre 2013
Les prostitueurs : Sexe à vendre… Les hommes qui achètent du sexe
Les prostitueurs : clients inconnus
Un des grands absents des débats sur la prostitution est le « client ». En effet, s’il est souvent question des personnes prostituées, des proxénètes ou de l’industrie du sexe, peu d’ouvrages traitent des consommateurs, de ceux qui créent la demande.
En 2003, Victor Malarek publiait The Natashas, une enquête sur la traite humaine à des fins sexuelles dans les pays de l’Europe de l’Est. Aussi, n’est-il pas étonnant que ce journaliste d’enquête canadien décide de s’intéresser à ceux qui achètent les actes sexuels : les prostitueurs. Après tout, ils sont les principaux responsables de l’exploitation sexuelle de millions de femmes et d’enfants à travers le monde, y compris au Canada.
L’auteur a interviewé plusieurs femmes prostituées et des clients, mais le corpus analysé est surtout constitué des commentaires recueillis sur les forums en ligne où les clients s’échangent des conseils. Victor Malarek ne fait pas que rapporter leurs propos : il les examine pour révéler les motivations de ces hommes.
Leur langage est cru et leurs propos sont souvent violents envers les femmes occidentales – trop émancipées -, mais aussi envers les prostituées. Les clichés sont nombreux : la sexualité masculine est un besoin, il est donc naturel d’acheter du sexe; les femmes prostituées sont des femmes « qui aiment le sexe »; elles ne font que tirer profit d’un « talent »; je suis gros, c’est la seule façon pour moi d’avoir du sexe avec une belle femme…
À travers ces échanges, on trouve une description de l’industrie du sexe : les lieux, les actes achetés, le tourisme sexuel, etc. Il est inquiétant de constater que ces prostitueurs se posent peu de questions sur cette industrie. La violence, la pauvreté ou les réseaux criminels les préoccupent peu. Pour eux, il s’agit d’un commerce comme un autre. Comme le mentionne Victor Malarek, « approcher la sexualité ainsi leur évite de se questionner et de réfléchir sur leur comportement, à leur rapport avec les femmes ». À la lecture, on se prend à s’inquiéter de ces clients, mais aussi des hommes en général, sachant qu’un sur dix fréquente les différents lieux de la prostitution.
Les derniers chapitres proposent quelques pistes de solution. À l’instar de plusieurs ONG et groupes de femmes dénonçant la banalisation de la prostitution, Victor Malarek considère qu’elle constitue une violence et une atteinte aux droits fondamentaux. Il s’oppose à la légalisation de la prostitution. Pour lui, il ne fait aucun doute qu’il faut interdire l’achat d’actes sexuels comme l’ont fait la Suède, la Norvège et l’Islande. L’auteur encourage la pénalisation des clients. Il préconise la mise en place de « John schools », ces formations imposées aux clients reconnus coupables d’avoir acheté des actes sexuels.
Finalement, l’auteur plaide pour une prise de conscience des effets de la demande et en faveur d’un véritable débat sur la prostitution. Il faut questionner le rôle des clients qui achètent des actes sexuels sans se soucier des conséquences pour les femmes et les enfants prostitués ni pour la société. Il plaide aussi pour la justice envers les femmes prostituées et invite à moins de complaisance concernant la violence des prostitueurs. Voilà donc un livre qui arrive à point, alors que la Cour suprême du Canada rendra cette année une décision sur la légalité des articles du Code criminel portant sur la prostitution.
Louise Dionne
Victor Malarek
Les prostitueurs : Sexe à vendre… Les hommes qui achètent du sexe
Montréal, M éditeur, 2013, 248 p.