Relations Été 2023 / Carnet

Yvon Rivard

L’école de l’humilité

Quiconque s’arrête un instant pour penser véritablement ne peut que penser son rapport à la mort, car la pensée naît précisément de ce temps suspendu entre le commencement et la fin, de cette distance qui me sépare de tout ce que je perçois, y compris de moi-même. On imagine difficilement ce moment merveilleux et terrifiant où nous nous sommes arrêtés entre des gestes que nous faisions depuis toujours (manger, se reproduire, attaquer et se défendre), plus ou moins courbés vers le sol, pour découvrir en se redressant qu’on pouvait se déplacer plus rapidement, voir de plus larges pans du ciel, entendre de notre bouche sortir de nouveaux sons, désirer de nouvelles choses dont nous ne pouvions que pressentir l’existence. Ce passage de l’instinct à la pensée, bien sûr, s’est fait très lentement. Nous avons réussi tant bien que mal à supporter la tension entre le proche et le lointain, l’avant et l’après, en peuplant l’espace ainsi déployé de dieux vengeurs et protecteurs auxquels nous sacrifions de temps en temps ces autres moi dont la ressemblance ou l’étrangeté nous menaçait. Tel dut être le paradoxe de notre nouvelle condition d’animal raisonnable, d’être pensant, déchiré entre le désir de défendre notre singularité et celui de se fondre dans la communauté.

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