Relations août 2010

Louise Constantin

Le tourisme équitable et solidaire est un outil au service du développement des communautés locales

L’auteure est conseillère en tourisme équitable

« Nous avons toujours été des pêcheurs. À cause de la surexploitation de la ressource, nous n’arrivions plus à gagner notre vie, et nos enfants partaient aux États-Unis pour trouver du travail. Nous nous sommes tournés vers le tourisme. Nous avons formé une coopérative, reçu un prêt et de la formation, et maintenant toute notre communauté y travaille. »

Un membre de la coopérative de Yunuén, Pátzcuaro, État du Michoacán.

« Avant la création de la coopérative, nous n’étions rien, nous n’avions aucune identité civique et nous n’avions pas accès aux services sociaux. Aujourd’hui, nous sommes des citoyens pleinement reconnus, et nous pouvons envoyer nos enfants à l’école. Nous ne dépendons pas de l’aide du gouvernement. C’est grâce à nos efforts que nous et nos enfants pouvons manger, et c’est grâce au tourisme que nous gagnons notre vie. »

Deux membres de la coopérative de services écotouristiques de La Ventanilla, côte du Pacifique, État d’Oaxaca.

« Cela fait sept ans que nous n’avons pas coupé un seul arbre dans la région. Nous travaillons maintenant à la protection de la forêt, et le tourisme a remplacé l’exploitation forestière et minière comme source de revenus. »

Le commissaire de la collectivité du Cerro Prieto dans la réserve des papillons monarques, État du Michoacán.

Ces témoignages représentent un échantillon des réponses à la question que j’ai posée dans toutes les communautés que j’ai visitées au Mexique en vue de répertorier des « destinations équitables », soit : « Pourquoi avez-vous décidé de faire du tourisme? »

La situation économique déplorable des populations du Sud est abondamment documentée. La pauvreté croissante résultant des conditions commerciales inéquitables entre le Nord et le Sud entraîne l’exode des jeunes vers les pays du Nord, un phénomène en expansion selon les Nations unies. Pour le Mexique seulement, l’OCDE estimait, en 2005, le nombre de migrants vers les États-Unis à 600 000 par an.

L’initiative des communautés

Dans ce contexte, des communautés ont cherché des solutions et le tourisme leur est apparu comme un moyen de remplacer les activités traditionnelles en déclin et de contribuer au développement socio-économique de leur collectivité. Malheureusement, si l’offre d’un tourisme géré par les communautés locales augmente dans les pays du Sud, force est de constater que les touristes attendus ne sont pas au rendez-vous. Malgré l’intérêt que suscite le tourisme alternatif dans les médias, la proportion de ce marché dans l’ensemble de l’industrie touristique ne dépasserait pas 0,5 %. La crainte que l’arrivée de « hordes de touristes » ne vienne perturber l’ordre social et l’équilibre environnemental est donc très éloignée de la réalité. D’autre part, les communautés, loin de subir passivement le tourisme, exercent elles-mêmes un contrôle sur le nombre de visiteurs qu’elles sont prêtes à accueillir – et parfois aussi sur les comportements de ces derniers –, car elles tiennent à préserver leur tranquillité et leur mode de vie.

Le tourisme équitable se distingue justement par l’accent mis sur des voyages faits en petits groupes, ce qui facilite des rapports plus humains et une meilleure communication entre visiteurs et visités. Il prévoit en outre des circuits plus restreints, réduisant ainsi la durée et l’étendue des déplacements. En ce sens, il se rapproche de la philosophie du slow travel en permettant aux voyageurs de rompre le rythme frénétique de notre univers de production et de consommation pour mieux s’imprégner de la culture des populations visitées.

Un enrichissement local

Enfin, la plupart des communautés ont intégré le tourisme à un projet de développement durable : protection d’espèces animales en péril, mise en valeur de leur patrimoine naturel et culturel et développement économique communautaire. Les voyageurs ayant des préoccupations humanitaires ou écologiques ont donc la satisfaction, en pratiquant le tourisme équitable, de savoir que l’argent qu’ils dépensent restera sur place et contribuera à l’amélioration des conditions de vie des populations locales et à la protection de l’environnement.

Le tourisme demeure le privilège des populations du Nord : un septième de la population a les moyens de visiter les six autres septièmes. C’est le secteur économique qui connaît la plus forte croissance. Les populations du Sud l’ont bien compris et cherchent à utiliser cet important levier économique dans leur intérêt. Dans ce sens, le tourisme équitable représente une interface solidaire entre le Sud et le Nord.

Silences

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