Relations août 2013
Le retour du tramway à Montréal est improbable
L’auteur est professeur titulaire à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal
Montréal rêve du tramway depuis au moins une vingtaine d’années. Les Montréalais devront sans doute se contenter d’en rêver encore longtemps, car le projet apparaît pour le moins incertain.
Le tramway est une technologie du XIXe siècle. Il est malgré tout parfaitement adapté à la ville contemporaine, surtout dans ses déclinaisons modernes. Montréal pourrait en tirer profit, d’autant qu’il présente des avantages indéniables, comme le montre l’expérience de nombreuses villes européennes ou nord-américaines. Plus agréable que l’autobus, même s’il est moins polyvalent, son parcours ne pouvant être modifié pour s’ajuster à la demande ou aux travaux, il présente en outre l’avantage d’une plus grande capacité et, surtout, il fonctionne à l’électricité, source d’énergie non polluante, renouvelable, sans émission de gaz à effet de serre (au Québec du moins). Ses avantages sur le métro sont aussi bien réels (sauf peut-être sur le plan de la capacité) : les coûts de construction sont moindres; le spectacle urbain est plus captivant pour les usagers; l’accès est facile, se faisant depuis le trottoir, plutôt qu’en sous-sol. Le tramway permet de plus de valoriser la rue. Plusieurs y voient d’ailleurs un puissant moteur de redéveloppement, bien que ce ne soit pas toujours le cas.
Un problème de financement
La Ville de Montréal a proposé de réintroduire le tramway dans son Plan de transport (2008); elle en faisait même son premier chantier (sur 21). Le tramway devait entrer en fonction en 2017. Les responsables des transports à la Ville visent maintenant 2021, l’« horizon de l’espoir », qui paraît toutefois peu probable. Même au-delà de 2021, les perspectives ne sont guère encourageantes. C’est principalement le financement du projet qui pose problème.
Les grandes infrastructures de transport (sur rail) sont à la charge du gouvernement du Québec. Mais ce dernier ne semble pas croire au tramway, même s’il a fait du transport collectif sa priorité et que l’électrification des transports collectifs constitue l’un de ses chantiers. Le gouvernement privilégie plutôt le prolongement du métro (surtout le prolongement de la ligne bleue dans l’est de l’île de Montréal, qui est une « priorité absolue »), de même qu’un système léger sur rail (SLR, une sorte de tramway) sur le nouveau pont Champlain. Le SLR est incontournable puisque le pont doit être reconstruit d’ici dix ans; une somme de près de deux milliards de dollars a été réservée dans le Plan québécois des infrastructures 2013-2023. Les trois prolongements du métro, pour leur part, étaient évalués à au moins six milliards en 2009.
En comparaison, le coût du tramway est relativement raisonnable : environ un milliard de dollars pour la première ligne de 13 km (Côte-des-Neiges et centre-ville). Sur une base annuelle, ce n’est pas une dépense extravagante. Les gouvernements peuvent assurément le financer. Un groupe de travail sur le financement du tramway, formé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain en 2012, estimait toutefois que la Ville seule ne pouvait financer le tramway, la pression sur les finances municipales étant trop forte. Il fallait associer au projet différents partenaires. Sans le gouvernement du Québec, la réalisation du tramway apparaît donc improbable.
D’autres solutions prioritaires
Pour séduisant qu’il soit, le tramway n’apparaît sans doute pas comme la meilleure solution à court terme : les coûts sont très élevés pour les bénéfices que nous pourrons en retirer. De l’aveu même des responsables de la Ville, la première ligne de tramway ne parviendra à attirer que très peu d’automobilistes; l’essentiel des usagers seront ceux de l’autobus ou du métro. Il y a peut-être mieux à faire avec l’argent des contribuables pour développer l’utilisation du transport collectif, par exemple des voies réservées aux autobus. Car c’est là l’objectif que nous devons tous poursuivre : réduire la dépendance à l’automobile et augmenter non seulement l’achalandage, mais également la part du transport collectif dans les déplacements faits dans la région de Montréal.
Le tramway a fait un retour remarqué dans de nombreuses villes qui l’ont adopté avec enthousiasme. En avons-nous les moyens? J’aimerais dire oui. Mais cela ne semble pas le cas, surtout que ce n’est peut-être pas la meilleure solution, à court terme, alors que nous manquons d’argent pour assurer les missions de base de l’État québécois.