Relations août 2013

Libérer l'imagination

Eve-Lyne Couturier

Le rapport D’Amours sur les retraites

L’auteure est chercheure à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)

S’il contient des éléments discutables, le rapport D’Amours alimente une réflexion nécessaire sur l’avenir des régimes de retraite au Québec.

Le 17 avril dernier, le rapport D’Amours sur le système de retraites au Québec a été rendu public. Soucieux de dénouer une éventuelle crise liée au vieillissement de la population et aux déficits accumulés des fonds de retraite, le gouvernement Charest avait commandé un rapport à Alban D’Amours, ancien président du Mouvement Desjardins. Avec six collègues bénévoles, il a rencontré de nombreux groupes afin de dresser un portrait le plus juste possible de la situation des retraites au Québec, particulièrement en ce qui a trait aux régimes complémentaires d’employeurs et à l’épargne personnelle. Après un changement de gouvernement, quelques reports et redéfinitions de mandat, le document de 233 pages a enfin vu le jour.
 
On y retrouve des constats partagés par un ensemble d’intervenants qui se sont penchés sur la question dernièrement, dont l’OCDE, la Régie des rentes du Québec et l’IRIS. D’abord, si les personnes les plus pauvres parviennent à obtenir un bon taux de remplacement de leur revenu[1] grâce aux programmes publics fédéraux et provincial, il en va autrement pour ceux et celles qui ont des revenus moyens ou supérieurs à la moyenne. Le rapport constate ainsi l’importance de maintenir les régimes à prestations déterminées, les seuls qui permettent de garantir des revenus de retraite prévisibles. Il critique du même souffle les REÉR pour leur faible rendement, le risque entièrement porté sur les épaules des épargnants et les frais de gestion élevés.
 
Du côté des solutions, les auteurs du rapport vantent le système des Pays-Bas, où les régimes complémentaires d’employeurs sont obligatoires. Plusieurs règles de gestion y sont également différentes, permettant d’éviter les déficits de capitalisation tout en maintenant les garanties sur les prestations. Logiquement, les auteurs auraient donc dû proposer des moyens significatifs pour étendre la couverture des régimes à prestations déterminées. Or, bien que le rapport présente différents modèles qui cherchent à contourner certains obstacles à la généralisation des régimes à prestations déterminées (comme les régimes à prestation cible, à risques partagés ou à financement salarial), il suggère surtout de changer les règles de solvabilité des régimes déjà existants pour tenter de les rendre plus stables. On vante ensuite le Régime volontaire d’épargne retraite (RVÉR), qui s’apparente aux REÉR pourtant critiqués. En effet, le risque est encore une fois entièrement reporté sur le dos des épargnants, qui ne reçoivent aucune garantie de rendement. De plus, les employeurs n’ont pas à cotiser, mais choisissent tout de même l’institution financière qui gèrera les comptes de leurs employés.
 
Pour plusieurs, la pièce maîtresse du rapport D’Amours est plutôt la rente de longévité. Son fonctionnement est simple : pour chaque année travaillée à partir de la mise en place de la rente, 0,5 % du salaire est perçu auprès de l’employé et de l’employeur afin de financer une rente qui sera versée lorsque la personne aura atteint l’âge de 75 ans. Bien que le comité se garde de recommander un report de l’âge de la retraite, il reste favorable à l’idée. De plus, le calcul même de la rente de longévité incite à rester le plus longtemps possible sur le marché du travail. Avec cette idée, on cherche à mutualiser les « risques » de la longévité. Pour le moment, lorsqu’une personne retire les bénéfices d’un régime à cotisations déterminées ou d’un REÉR, elle doit estimer combien de temps elle croit vivre encore afin de prévoir les prestations dont elle bénéficiera. Avec la rente de longévité, il pourrait être possible de choisir de prendre la majorité des prestations jusqu’à 74 ans, pour ensuite profiter de cette rente.
 
Derrière toutes ces recommandations semble se profiler un réalignement majeur du système de retraite. Car si le rapport fait l’éloge du système des Pays-Bas et souligne l’importance des régimes à prestations déterminées, ses propositions semblent plutôt aller vers un lent démantèlement de ces derniers pour aller vers des régimes à prestation cible où les risques seraient assumés en grande majorité par les employés. Advenant une solvabilité déficiente, c’est à la fois à travers les cotisations des employés, mais également l’indexation des prestations – voire le nivellement de celles-ci – que les régimes seraient renfloués. Ainsi, un retraité pourrait voir ses rentes diminuer non seulement en dollars constants, mais également en dollars courants. La prévisibilité du régime, avantage souligné par les auteurs du rapport D’Amours, deviendrait alors caduque.
 
Il est trop tôt pour dire quelles suites aura le rapport D’Amours, car les solutions qu’il propose doivent d’abord faire l’objet d’une commission parlementaire dont la tenue pourrait être perturbée si des élections provinciales – gouvernement minoritaire oblige – devaient avoir lieu prochainement. Chose certaine, ce rapport permet d’alimenter une discussion nécessaire pour décider collectivement des orientations qui correspondent aux valeurs et aux priorités des Québécois en matière de retraite.

 


[1] Pourcentage des revenus à la retraite en fonction des revenus avant la retraite. On juge généralement qu’un taux de remplacement adéquat est d’au moins 70 %.

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