Relations septembre 2004

L'altermondialisation en mouvement

Nadia Touhami

Le port du voile est un acte de foi qui relève de la liberté de conscience; il est aussi l’expression du respect de certaines valeurs spirituelles

L’auteure est membre de Présence musulmane

Revendiqué par un premier camp comme blason de résistance à l’oc­cidentalisation, le voile est vi­ve­ment dénoncé par le second camp comme le symbole de l’asservissement de la femme et comme symptôme d’un repli communautaire dangereux; le tout dans l’atmosphère de l’après 11 septembre.

Sans vouloir importer ici une mise en scène très franco-française, avec ses spécificités politiques mais,
sur­tout, postcoloniales, il est important de se pencher sur cette question dans notre contexte canadien de diversité cultu­relle. D’autant plus qu’on ne nous offre, ici comme ailleurs, qu’un débat superficiel entre des « provoile » et des « an­tivoile », confortant chaque camp dans sa position à mille lieux de cette re­cherche du « mieux vivre ensemble » vers lequel on aimerait tendre.

Contre une vision réductrice

Dans les sociétés occidentales, l’image du voile n’est pas très reluisante. En effet, les termes et les images utilisés sans nuance au sein des milieux mé­diatiques et de l’intelligentsia pour dé­crire la femme musulmane sont lourds de connotations péjoratives. Là où tous les raccourcis d’usage sont permis, on finit par renforcer les stéréotypes, ne créant le plus souvent qu’un sentiment de pitié, si ce n’est une aversion à l’égard de la femme voilée.

Parallèlement, dans les sociétés mu­sulmanes, la femme voilée est géné­ralement perçue comme celle qui se comporterait le plus « islamiquement cor­rect »! En conséquence, selon cette vision réductrice du message de l’islam, le voile ferait la musulmane et la mu­sulmane se résumerait à son voile!

Alors, comment aborder sereinement ce sujet sans tomber inévita­blement dans la victimisation ou en­core dans la franche islamophobie légitimée par la défense d’une laïcité antireligieuse?

Épanouissement spirituel

En premier lieu, il est important de rap­peler qu’en islam, le port du voile est un acte de foi qui relève de la li­berté de conscience. En ce sens, il renvoie à la vo­lonté d’une femme musulmane d’agréer, au long d’un cheminement spi­rituel, à une injonction divine parmi bien d’autres.

Ceci ne donne aucune légitimité à juger une autre musulmane qui serait « moins croyante » parce qu’ayant trouvé d’autres formes d’épa­nouis­sement spirituel, par rapport à celle qui serait « plus croyante » parce que voilée. Le choix n’appartient qu’à la femme et le jugement du contenu des cœurs n’appartient qu’à Dieu!

De la même façon, par quelle fata­lité doit-on qualifier l’une de « libérée » et l’autre de « soumise »? La libération de la femme serait-elle conditionnée par sa seule apparence? Or, si une femme québécoise a choisi d’adopter le voile, qu’est-ce qui mandaterait le reste de la société pour décréter ce qui est de l’émancipation et ce qui ne l’est pas? Au nom de quel principe de droit lui imposer de l’ôter, sans inévita­blement la discriminer?

Rappelons, par ailleurs, que les mu­sulmanes n’ont pas de « brevet d’invention » sur la pudeur qui est d’abord une attitude avant d’être une apparence. Principe que l’on retrouve autant dans d’autres confessions que dans des va­leurs individuelles complètement a-religieuses. De plus, cette modestie est tout autant exigée de l’homme, sensé lui-même avoir une attitude réservée et une tenue décente. C’est que, au-delà de l’apparence vestimentaire, ce que l’islam exige de ses fidèles, hommes et femmes, c’est de savoir relativiser tout paraître au nom de l’être.

Lever le voile sur un véritable débat

Dans ce débat, les femmes musulma­nes, où qu’elles soient, sont appelées à sortir du mutisme pour s’approprier – au nom des valeurs universelles – leurs droits légitimes, sans abjurer leurs principes spirituels. Il s’agit, pour elles, autant de refuser l’imposition machiste et marchande qui les désire, tour à tour, dénudées ou voilées, que de re­met­tre en question la vision ethnocentrique de l’émancipation de la femme ou de sa religiosité.

L’appel à l’ouverture est également adressé à tous les autres citoyens du Canada afin de « dépassionner » ce dé­bat et d’éviter de proposer, comme seule solution viable – mais ô combien illusoire –, le mimétisme de la femme occidentale. Cessons de croire qu’on a tout justifié en invoquant les sacro-saints « droits des femmes » ou qu’on a résolu tous les maux dont souffre la femme musulmane lorsqu’on a dia­gnostiqué « foulard islamique ». Sortons de cette logique manichéenne et cons­truisons ensemble une véritable ci­toyenneté égalitaire.

L'altermondialisation en mouvement

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