Relations août 2013

Libérer l'imagination

Richard Bergeron

Le nouveau tramway est un instrument privilégié de la relance de Montréal

L’auteur, urbaniste, est chef de Projet Montréal et candidat à la mairie de Montréal
 
 
Certains réseaux de tramway ont traversé les époques : aux Pays-Bas, en Allemagne et, plus près de nous, à Toronto. Ce sont toutefois des cas d’exception, puisqu’au cours des années 1950, ils furent démantelés pratiquement partout. General Motors en fut le principal instigateur aux États-Unis[1]. À Montréal, c’est avec un bel enthousiasme qu’en un temps record nous avons fait disparaître le tramway de nos rues.
           
Aujourd’hui, c’est du nouveau tramway dont il est question. Quiconque a fait l’expérience de la version modernisée du tramway souhaite que ce mode de transport soit implanté à Montréal le plus rapidement possible. Ce sont les Français qui ont réinventé le tramway. Comme d’autres, ils avaient tout fait pour adapter leurs villes à l’automobile. Dès le milieu des années 1970, ils constatèrent qu’ils avaient commis une grave erreur, la stratégie du « tout à l’auto » étant en voie de tuer le cœur historique des villes françaises. L’inauguration du réseau du nouveau tramway de Nantes, en 1984, de Grenoble en 1987 et de Strasbourg en 1993, a fait la preuve que le déclin des villes-centres n’était pas irrémédiable, tout le contraire. Depuis lors, toutes les villes françaises de plus de 50 000 habitants ont réintroduit le tramway. L’Italie a suivi, de même que l’Espagne, l’Autriche ou encore l’Irlande. L’Amérique (Houston, Phoenix) n’a pas échappé à une tendance de plus en plus mondiale, qui a récemment conquis le Proche-Orient (Jérusalem) et l’Afrique du Nord (Casablanca).
 
L’ancien et le nouveau
Le nouveau tramway innove quant à chacun des motifs qui avaient conduit au démantèlement du tramway dans sa forme ancienne. On le disait vieillot, désuet : rien ne fait plus moderne maintenant. Englué dans la circulation, il était inefficace : implanté en site exclusif, le nouveau tramway se moque de la circulation. Il était bruyant et inconfortable : le nouveau tramway est le mode de transport dont l’accès est le plus aisé, pour les personnes en fauteuil roulant notamment, et il file dans un silence monacal. Les fils et les rails déparaient la ville : l’implantation du nouveau tramway est l’occasion d’une opération d’embellissement urbain s’étendant sur toute la longueur du corridor emprunté. Le tramway n’avait pas plus de capacité qu’un autobus : les rames du nouveau tramway accueillent de 150 à 300 passagers, remplaçant jusqu’à cinq autobus.
 
Je pourrais continuer longtemps à vanter les vertus du nouveau tramway. Il suffit de dire que plus de 100 villes du monde en ont fait l’instrument principal de leur inscription résolue dans le XXIe siècle.
 
Essentiel et complémentaire
Le nouveau tramway ne doit être opposé ni au métro, ni à l’autobus urbain. Il prend simplement sa place entre ces deux modes, contribuant à enrichir une offre globale de transports urbains de qualité. Il coûte cher, rétorquent les sceptiques. En réalité, les coûts d’investissement sont trois à quatre fois moindres que ceux du métro et les coûts d’exploitation, deux à quatre fois moindres que ceux de l’autobus. En fait, le métro, le nouveau tramway, l’autobus et le train de banlieue composent ensemble une offre globale qui doit être développée sans tarder, l’objectif devant être de doubler l’achalandage du transport collectif d’ici une vingtaine d’années.
 
Pour finir, parlons de développement économique. Le Québec ne produisant ni pétrole, ni automobiles, son économie est déficitaire de 25 milliards de dollars pour l’achat de ces produits. Deux études réalisées par SECOR (en 2004 et en 2010) ont démontré que les transports collectifs sont trois fois moins chers que l’automobile pour l’usager, en plus de créer trois fois plus d’emplois que cette dernière dans l’économie du Québec. Par conséquent, investir dans le tramway et dans les transports collectifs électrifiés est incontestablement le choix économique le plus censé que nous puissions faire. En prime, le nouveau tramway s’est révélé partout dans le monde un formidable moteur de développement urbain qui attire l’investissement le long des corridors empruntés. En quelques années, tous les terrains vacants ou sous-utilisés, comme les stationnements de surface, cèdent la place à des immeubles aux fonctions diverses, au premier rang desquelles figure l’habitation.
 
Ainsi, l’implantation d’un réseau de nouveau tramway permettrait à Montréal de redevenir concurrentielle face aux banlieues en termes d’attractivité résidentielle pour les classes moyennes. Tout Montréalais ne peut qu’être doublement séduit par cette perspective.

 


[1] R. Bergeron, « Une industrie vorace », Relations, no 702, août 2005.

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