Relations janvier-février 2017

Incursion dans l'athéisme

Denis Tougas

Le Canada a un rôle à jouer dans les opérations de paix de l’ONU

L’auteur a été responsable des dossiers concernant l’Afrique centrale à l’Entraide missionnaire, de 1990 à 2015
 
 
« Nous, peuples des Nations unies, prenons la résolution de […] préserver les générations futures du fléau de la guerre […] et à cette fin […] d’unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales. » Difficile, même aujourd’hui, de ne pas être d’accord avec ces quelques mots du préambule de la Charte des Nations unies, tant les guerres, certes différentes de celles du XXe siècle, continuent d’endeuiller la planète. Difficile, aussi, de ne pas se réjouir de la perspective d’une participation plus convaincante du Canada aux missions de paix de l’ONU. On devrait cependant surveiller de près la réalisation de cette promesse électorale du gouvernement Trudeau.
 
Les échecs des missions onusiennes des années 1990 – en Somalie, en ex-Yougoslavie et au Rwanda notamment – ont détourné le Canada, comme la majorité des pays occidentaux, des opérations de paix de l’ONU. On les jugeait inadaptées à ces conflits d’un genre nouveau sévissant à l’intérieur même des États, où des milices de toutes sortes massacrent et pillent. L’incapacité de défendre les civils et l’inadéquation des mandats ont maintes fois été dénoncées. Depuis, des efforts ont été réalisés pour répondre aux nouveaux défis.
 
Deux rapports[1] ont proposé une nouvelle approche des conflits où les civils sont souvent des cibles désignées, les droits humains, inconnus, et les capacités des États touchés, restreintes ou inexistantes. L’action militaire, même « robuste », ne sera dorénavant qu’une composante de missions multidimensionnelles. Elle devra aussi pouvoir se déployer rapidement et efficacement pour prévenir les crises et, enfin, soutenir une stratégie globale de retour à la paix. En outre, elle aura à s’adapter, par étape, au contexte particulier de chaque situation. Et surtout, elle devra se dissocier de la lutte au terrorisme. En somme, il s’agit de sortir du modèle standard qui voyait dans la quantité des troupes engagées la condition suffisante pour soutenir l’ensemble des processus menant à la paix, puis aux élections, ultime étape avant l’instauration d’un État démocratique – un modèle qui, à l’évidence, a échoué.
 
Devant cette nouvelle approche, le Canada, comme les autres pays riches, n’a plus d’argument acceptable pour ne plus s’engager sérieusement dans les missions de paix onusiennes. Au moins deux raisons devraient l’y encourager.
 
Tourner la page conservatrice
Premièrement, il est temps d’en finir avec l’époque Harper : le gouvernement conservateur a abruptement tourné le dos à l’ONU et au multilatéralisme en politique internationale pour se soumettre aveuglément aux projets des États-Unis, de l’OTAN et des « coalitions d’États volontaires » en se lançant dans des aventures guerrières comme en Libye ou en Ukraine. Et même si sa participation au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan avait reçu l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU, elle lui a valu de perdre une bonne part de sa crédibilité. En effet, assurer la sécurité et même le « développement » de la province de Kandahar alors que les États-Unis menaient la chasse aux terroristes ailleurs dans le pays a semé la confusion. Le Canada ainsi que l’ONU se sont retrouvés du côté des agresseurs. Revenir au multilatéralisme de l’ONU demeure encore le meilleur gage de légitimité pour des actions militaires.
 
Un engagement concret pour la paix
Deuxièmement, il est temps que le Canada réponde positivement aux appels répétés du Département du maintien de la paix de l’ONU et fournisse des contingents spécialisés capables de répondre aux exigences nouvelles des missions. Jusqu’à présent, la grande majorité du personnel militaire est fourni par des pays en développement ou émergents : ainsi, 30 % des contingents proviennent du sous-continent indien.
 
Depuis 20 ans, les Occidentaux pressent l’ONU de mener ses opérations avec plus de « robustesse » pour protéger les civils et dissuader les fauteurs de trouble… tout en laissant les autres pays assumer les risques que cela comporte. Les militaires canadiens sont bien formés et bien payés. Ils sont mieux préparés et mieux équipés que la majorité des troupes fournies par les autres pays pour des opérations d’urgence, de protection ou de prévention. De plus, certains militaires parlent français, un atout non négligeable dans le contexte des conflits en Afrique francophone.
 
On ne connaît pas encore la forme que prendra le Programme pour la stabilisation et les opérations de paix annoncé récemment par le gouvernement Trudeau. Il n’est pas encore certain que cette force sera mise prioritairement à la disposition de l’ONU. Elle pourrait plutôt être utilisée pour protéger les intérêts canadiens à l’étranger. Ce serait une erreur. L’équilibre et la crédibilité du Canada à l’international sont encore à reconstruire.

 


[1] Le rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’ONU (Rapport Brahimi), août 2000 et le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations unies, juin 2015.

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