Relations septembre-octobre 2019

À qui la ville ? Les défis d’une ville solidaire

Louis Rousseau

Gens de mon pays – Roméo Bouchard

« Ce village m’était destiné : c’est là que je devais être. » Cet aveu de Roméo Bouchard, qui scelle ainsi le lieu de sa destinée paysanne à Saint-Germain-de-Kamouraska, ouvre un remarquable petit livre écrit en mémoire de 16 personnes auxquelles il s’est attaché dans ce beau coin de pays, où il vit depuis une quarantaine d’années. Il s’agit d’un cadeau offert aux « gens de mon pays » à l’occasion du 125e anniversaire du village. Mais pour les étrangers que sont la plupart des lecteurs, les pages de ce livre apparaîtront comme le tissage d’une catalogne aux multiples couleurs. On y découvre le fondateur de l’Union paysanne avec des femmes et des hommes qui ont créé avec lui le paysage de la transition entre le village-paroisse traditionnel de Saint-Germain, décrit par Horace Miner en 1937, et le village urbain d’aujourd’hui, habité par les néoruraux.

Ce livre est loin d’être une monographie de paroisse rurale célébrant les élites cléricales et laïques, comme il s’en fait encore parfois pour souligner l’anniversaire d’un village. Il veut surtout témoigner du devenir de ceux et de celles qui ont, dans leur singularité, chacun et chacune à leur manière, participé à la résistance et à la transformation du village, d’une communauté humaine et de Bouchard lui-même, lui qui s’est enraciné dans « la douceur du Bas-du-Fleuve » dans les années 1970, quand, prêtre révolté du Saguenay, il a quitté le sacerdoce et adopté le style de vie des hippies pour effectuer un retour à la terre.

Les portraits des acteurs convoqués pour raconter cette histoire humaine sont vifs et colorés, ils campent rapidement le physique de l’individu, ses manières de faire, les lieux qu’il habite, la microsociété qui est la sienne et le rôle principal qu’il ou elle aura joué dans l’histoire de la collectivité. La séquence des portraits semble aléatoire et c’est tant mieux ; chaque nouveau personnage crée une surprise et alimente la curiosité. Et Bouchard tente à chaque fois de découvrir et de comprendre celles et ceux qui ont accompagné sa vie. Quitte à sous-entendre à chaque fois que chacun, vivant ou déjà décédé, recèle un mystère qui mérite le respect.

La recomposition de Saint-Germain au cours des quatre décennies charnières liant deux siècles pourrait servir de cas type. On ressort de la lecture avec un sentiment de douce mélancolie – le déclin des petites fermes familiales semblant irréversible – et une impression de soleil matinal que dégagent la revitalisation culturelle de ce village et sa réinvention locale.

L’éditeur, tout comme l’auteur, doit être félicité pour cette publication qui vient enrichir la réflexion politique menée sur le thème de l’engagement local et sur sa valeur à long terme en assurant le relais entre les générations réunies autour d’un espace démocratique commun à inventer et à défendre. Espérons que les lecteurs et les lectrices sauront consulter la petite carte manuscrite dessinée par l’auteur, et tourner à gauche à la sortie 434 de l’autoroute 20 Est. Derrière la Montagne-à-Plourde et le Cabouron du Mississippi se loge le village de Saint-Germain. Pour ma part, j’ai trop longtemps été pressé de filer rapidement vers l’est et Saint-Simon. J’entends bien me racheter à la prochaine occasion.

 

Gens de mon pays
Roméo Bouchard

Montréal, Écosociété, 2018, 149 p.

 

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