Relations mars 2001

Sommet des Amériques La démocratie emmurée

Gordon Edwards et Marc Chénier

Des obus… à l’uranium!

Les auteurs sont membres du Regroupement pour la surveillance du nucléaire

L’utilisation d’armes composées d’uranium appauvri, lors des conflits en Irak et aux Balkans, n’en finit pas de faire des dégâts

Il y a dix ans, lors de la Guerre du Golfe, les forces américaines et britanniques bombardèrent l’Irak avec des armes à base d’uranium appauvri : l’équivalent de 350 tonnes de ce métal furent ainsi déversées. Dans la Guerre des Balkans, l’OTAN en a également fait usage. L’apparition de ce qu’on a appelé le syndrome de la Guerre du Golfe et des Balkans, chez des milliers d’anciens combattants, ainsi que des taux de cancer alarmants dans les régions bombardées d’Irak, rendent légitimes les craintes sur l’extrême nocivité de ces armes.

L’uranium est l’élément naturel le plus lourd de la planète. On l’utilise dans la fabrication d’obus afin d’en augmenter la puissance de pénétration. Mais l’uranium est aussi une substance radioac­tive de longue durée qui constitue une menace perpétuelle à la santé humaine. Ce danger touche non seulement les combattants, mais aussi les civils qui pourraient être affectés pour des milliers d’années par le rayonnement des résidus d’ura­nium abandonnés sur les champs de bataille.

L’uranium appauvri est le déchet pro­venant de l’enrichissement de l’uranium, un procédé nécessaire à la fabrication des armes nucléaires et du combustible de certains réacteurs. L’enrichissement est un procédé très coûteux, mais l’uranium appauvri est considéré bon marché parce que c’est un sous-produit indési­rable n’ayant, à toute fin pratique, aucune utilisation civile.

L’uranium appauvri n’est pas dangereux tant qu’il se trouve à l’extérieur du corps. Le rayonnement alpha émis par l’uranium est effectivement bloqué par une feuille de papier, des vêtements ou même la peau : il n’y a donc pas de danger d’exposition externe. À l’intérieur du corps, par contre, le rayonnement alpha devient l’agent cancérogène le plus puissant qu’on connaisse. Il est vingt fois plus dommageable que les rayons X ou les rayons gamma et cause le cancer du poumon, le cancer des os et une série de maladies sanguines, dont la leu­cémie. Un grand nombre de mineurs et de travail­leurs ayant manipulé le radium sont morts à la suite d’une exposition in­terne à des quantités minimes de subs­tances radio­actives à rayonnement alpha.
Or, sur les champs de bataille, une partie de l’uranium se volatilise au mo­ment de l’impact et produit une fumée radioactive qui peut rester plusieurs jours en suspension et être ainsi facilement inhalée.

Il n’existe aucune étude portant sur les effets à long terme pour la santé humaine ou animale des sujets exposés à de telles vapeurs d’uranium appauvri. Comme dans le cas du programme d’essais atmosphériques de la bombe ato­mique, les humains sont encore une fois utilisés comme cobayes pour permettre aux militaires de constater les effets no­cifs d’une arme nouvelle. Prétendre, sans preuves à l’appui, que l’uranium appauvri est sans danger est tout à fait irrespon­sable. On sait depuis longtemps que l’uranium est une substance mortelle.
L’histoire canadienne de l’exploitation de l’uranium n’est pas moins désolante. On a noté chez les mineurs des Terri­toires du Nord-Ouest, de la Saskat­­chewan et de l’Ontario des taux de mortalité due au cancer du poumon de deux à cinq fois plus élevés que le taux normal pour cette maladie. Le coupable est sans contredit le rayonnement alpha pro­ve­nant du minerai d’uranium.

Le Canada a toujours été le premier exportateur mondial d’uranium. Puisqu’on mélange l’uranium sans distinction d’ori­gine lors du processus d’enrichissement, il s’ensuit que chaque obus à l’uranium contient une proportion importante d’ura­nium provenant du Canada. Le gisement d’uranium le plus riche au monde, celui de Cigar Lake dans le nord de la Saskatchewan, est présentement en exploitation. Certains secteurs du gisement contiennent du minerai ayant une teneur en uranium de 70 %, ce qui les rend tellement radioactifs qu’on devra peut-être les exploiter au moyen de robots.

Imaginons un archéologue de l’avenir découvrant des vestiges d’obus de l’OTAN à l’uranium appauvri, comme les pointes de flèches laissées par les chasseurs pré­historiques. Ces vestiges seront aussi radioactifs que le minerai de Cigar Lake. En effet, l’uranium devient plus radio­actif au fil du temps à cause de la production spontanée de sous-produits ra­dioactifs, dont certains comptent parmi les agents cancérogènes les plus puissants : le radon, le thorium, le radium et le polonium.

Les avocats de l’ONU maintiennent que les obus à l’uranium seraient illégaux selon les lois de droit international en vigueur parce qu’il s’agit d’armes inhu­mai­­nes, qui endommagent l’environne­ment, qui sont nocives aux non-combattants et qui demeurent nocives une fois les hostilités terminées. Nous nous devons d’insister pour que de telles ar­mes soient bannies.

Sommet des Amériques La démocratie emmurée

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