Relations août 2013

Libérer l'imagination

Gerardo Aiquel

Brésil : une avancée pour les aides domestiques

L’auteur est responsable du dossier des droits humains en Amérique latine à L’Entraide missionnaire

Le gouvernement de Dilma Roussef est passé à l’action pour améliorer les conditions d’embauche et de travail des travailleuses domestiques.

En Amérique latine, il est courant de trouver des aides domestiques, en majorité des femmes, qui font la cuisine, le ménage et s’occupent des enfants dans les maisons de la classe moyenne. Paysannes, femmes autochtones ou noires, le plus souvent analphabètes et mal payées, elles sont issues des couches les plus pauvres et marginalisées de la population. Elles peuvent passer des années au sein d’une famille et travailler de longues journées, avec peu de temps libre pour visiter les leurs. En somme, les conditions de travail sont plus près de celles décrites dans un roman de Dickens que de celles des telenovelas brésiliennes dans lesquelles l’héroïne, une domestique, tombe amoureuse du patron, finit par le marier et par vivre heureuse. Le travail domestique est toujours resté dans la sphère privée, pratiquement invisible, exercé le plus souvent dans des conditions exécrables. De plus, la difficulté d’organiser des syndicats ou des associations de travailleuses domestiques limite depuis longtemps leur capacité de faire respecter leurs droits.
 
Selon une étude de l’Organisation internationale du travail, réalisée dans 117 pays, les femmes représentent 92,6 % de la main-d’œuvre domestique au Brésil. Le pays compte 7,2 millions de travailleuses domestiques; 45 % d’entre elles n’avaient droit ni à une journée de congé durant la semaine, ni aux jours fériés rémunérés et encore moins à un congé de maternité. L’étude signale également qu’une bonne partie de ces travailleuses étaient mineures.
 
Mais les choses sont en train de changer sous le gouvernement de Dilma Roussef, du Parti des travailleurs. Afin de rendre le travail domestique plus humain, le gouvernement a réussi à proposer des changements législatifs importants, avec l’appui d’une grande majorité des parlementaires. Le 2 avril dernier, le Congrès national brésilien a adopté un amendement constitutionnel concernant l’article 7 de la Constitution de 1988 touchant aux droits du travail, dont étaient exclus les travailleurs et les travailleuses domestiques. La sénatrice Lídice da Mata, du Parti socialiste brésilien, a salué l’adoption en ces termes : « elle répond au besoin de modernisation de la société brésilienne, notamment celui de garantir les droits de ceux qui en étaient privés : presque huit millions de travailleurs et travailleuses domestiques du Brésil » (<adital.com.br>, 13 mars 2013).
 
Ces travailleuses et ces travailleurs ont dorénavant les droits suivants : la durée d’une journée de travail ne peut dépasser huit heures et la semaine de travail, 44 heures; une augmentation de 50 % du taux horaire est prévue pour chaque heure supplémentaire travaillée; les risques inhérents à leur travail sont réduits grâce à de nouvelles normes de santé, d’hygiène et de sécurité. De plus, la discrimination salariale en raison du sexe, de l’âge ou de l’état civil est désormais interdite, de même que celle visant l’exclusion des personnes atteintes de déficiences (intellectuelles ou physiques). Aucun travail nocturne, dangereux ou dans des conditions d’insalubrité n’est permis pour les moins de 18 ans, et l’embauche de mineurs sera proscrite, sauf en tant qu’apprentis et seulement à partir de 14 ans.
 
Si la réaction a été positive parmi les groupes de défense des droits et de lutte pour la justice sociale, la réaction de la droite a été négative. Sans doute a-t-elle peur de se retrouver sans domestiques au prochain réveillon de Noël!

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