Relations juillet-août 2016
BDS sous attaque
L’auteure est membre de la Coalition BDS-Québec
La répression s’intensifie contre le mouvement pacifique pro-palestinien BDS en Occident.
Au cours des derniers mois, et presque simultanément, les gouvernements de plusieurs pays occidentaux ont entrepris de mettre en place des mesures pour interdire ou même criminaliser le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) et ses promoteurs. En France, le 20 octobre 2015, par deux arrêts, la Cour de cassation (l’équivalent de la Cour d’appel du Québec) a déclaré illégal l’appel à boycotter des produits israéliens et confirme la condamnation de plusieurs militants. En mars dernier, lors d’une manifestation, une militante a été arrêtée parce qu’elle arborait un t-shirt de la campagne BDS contre l’apartheid israélien. En Angleterre, le gouvernement a introduit de nouvelles lois qui rendront illégal le boycott des produits israéliens. Aux États-Unis, en juin 2015, le Congrès a voté une loi visant à enrayer complètement le mouvement BDS et à le rendre incompatible avec tout accord de libre-échange avec les États-Unis. Le sénateur républicain Peter Roskam a déclaré : « Si vous voulez faire du commerce avec les États-Unis, vous ne pouvez pas boycotter Israël. » Dans la foulée, près de la moitié des États américains ont légiféré ou sont en voie de le faire pour interdire BDS. Certains, comme l’Illinois, interdisent aux fonds de retraite de traiter avec des « entités » qui boycottent Israël ; d’autres, comme New York, proposent de couper les vivres aux universités qui soutiennent de diverses façons BDS (voir Ron Kampeas, Haaretz, 24 février 2016).
Au Canada, deux gouvernements successifs ont suivi le même chemin. D’abord, les conservateurs de Stephen Harper ont signé avec Israël, en janvier 2015, un protocole d’entente concernant la diplomatie publique. Ce protocole stipule que « le ciblage sélectif d’Israël constitue le nouveau visage de l’antisémitisme » et déclare que « le Canada s’opposera à ceux qui soutiennent le mouvement BDS ». Le gouvernement Trudeau a emboîté le pas en appuyant, en février 2016, une motion conservatrice anti-BDS sous le faux prétexte que ce mouvement « ferait la promotion de la démonisation et de la délégitimation d’Israël ». La motion appelle donc « à condamner tout individu, groupe ou organisation canadienne qui ferait la promotion du mouvement BDS ici au Canada et partout ailleurs dans le monde[1] ».
Cette stratégie anti-BDS est de toute évidence téléguidée depuis Israël, dont le gouvernement s’inquiète et s’agite de plus en plus devant l’ampleur que prend le mouvement à travers le monde. En mars dernier, une conférence internationale réunissant 1500 personnes avait pour objectif de débattre des meilleurs moyens d’éradiquer ce mouvement. Selon le journaliste israélien Michel Warschawski, « on n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, […] le ministre des Transports et du Renseignement, Israël Katz, a appelé à des liquidations citoyennes ciblées (sic) contre les militants centraux du BDS en se servant des services de renseignement de l’État […]. La ministre de la Justice, Ayelet Shaked, a parlé de " problème stratégique " et a comparé le BDS aux tristement célèbres Protocoles des Sages de Sion. Quant au ministre de la Sécurité intérieure et responsable des questions stratégiques, Gilad Erdan, il a menacé : " Très bientôt, chaque militant de BDS va découvrir qu’il a à payer très cher pour ses activités " » (Siné Mensuel, avril 2016).
Enfin le gouvernement de Benyamin Netanyahou vient de retirer au fondateur du mouvement BDS, Omar Barghouti, les documents lui permettant de circuler hors de la Palestine et d’Israël, ce qui lui laisse le choix entre le confinement ou l’interdiction du retour.
Toutes ces mesures confirment le succès de BDS, un mouvement international pacifique, citoyen, aucunement antisémite puisqu’il ne vise pas les « juifs en tant que juifs » mais les politiques des gouvernements israéliens successifs qui violent systématiquement les droits fondamentaux, individuels et collectifs, du peuple palestinien. Qu’y a-t-il de si extrémiste à en réclamer le respect ?
On ne peut que déplorer les génuflexions indignes de plusieurs pays occidentaux devant le diktat israélien, qui, de ce fait, attaquent une des formes protégées de la liberté d’expression : les actions de boycott pour pousser à des changements sur le plan social, politique ou économique. D’ailleurs, cette répression ne servira à rien. La résistance des sociétés civiles à travers le monde est déjà commencée. La réplique est un appel à l’intensification des actions de BDS. C’est ce qu’entend d’ailleurs faire la Coalition BDS-Québec.