13 novembre 2019

Mémoire du Centre justice et foi sur le racisme et la discrimination systémiques

Outils de compréhension et d’analyse sur les enjeux de racisme et de discrimination

Présentation du Centre justice et foi

Le Centre justice et foi (CJF) est un centre d’analyse sociale qui pose un regard résolument critique sur les structures sociopolitiques, économiques, culturelles et religieuses de notre époque. L’organisme a été fondé en 1983. Il est encore aujourd’hui une œuvre reconnue et financée par les Jésuites du Canada. Il est animé par une équipe de personnes laïques, hommes et femmes. Inspiré par la tradition du catholicisme critique, le CJF a pour objectif de participer à la construction d’une société fondée sur la justice sociale. Un parti pris pour les exclus est au cœur de son analyse. Son équipe fait donc la promotion d’une citoyenneté active, travaille à la construction d’une société accueillante et égalitaire pour toute personne vivant au Québec.

Le CJF s’emploie à dénoncer les injustices qui entravent le processus d’intégration sociale et de cohabitation citoyenne. Il fait sienne l’analyse féministe qui critique les inégalités, la discrimination et la violence au sein de la société, des Églises et des diverses traditions religieuses, ainsi que l’analyse anti raciste. Le CJF s’intéresse particulièrement aux questions inédites que le pluralisme croissant pose à la société québécoise et à son projet de société.

Cette mission se déploie par le biais de trois composantes. D’abord par Relations, une revue d’analyse sociale, politique et religieuse qui nourrit la réflexion et fait la promotion d’un projet de société pour le Québec depuis 1941. Ensuite par le secteur Vivre ensemble – à l’origine de ce mémoire – qui développe une expertise sur les enjeux de l’immigration, de la protection des réfugiés ainsi que sur le pluralisme culturel et religieux. Il publie le webzine Vivre ensemble, un outil d’information et d’analyse unique dans le monde francophone. La mission du CJF se déploie, enfin, par ses différentes activités publiques favorisant la sensibilisation, l’information et le débat démocratique autour de questions d’actualité.

Depuis de nombreuses années, le Centre justice et foi a développé un point de vue spécifique et une analyse anti raciste liés à son engagement pour la justice et l’égalité citoyennne. C’est donc ce point de vue que nous partagerons aux commissaires de cette consultation publique. Nous espérons que les éléments de réflexion que nous partageons ici contribueront à faire œuvre utile dans ce débat de société.

Notre rôle sur l’enjeu du racisme : le traitement que nous en faisons

Le CJF a depuis de nombreuses années fait écho aux initiatives de sensibilisation sur les questions du racisme et des discriminations. Notre travail et nos publications ont à maintes occasions insisté sur l’importance de mieux comprendre ce qu’est le racisme et de le documenter. Du fait de ses variations – et parce qu’il se situe à plusieurs niveaux (intime, psychique, relationnel) – le racisme a permis de justifier la dépossession, la colonisation et les différentes oppressions ayant touché historiquement les populations autochtones, premières personnes sur ce territoire non cédé. Par ailleurs, les politiques publiques sont largement en décalage avec ce que nous enseigne la sociologie du racisme. Tout cela nous conduit à décrier le manque d’outils politiques et légaux pour rendre compte de la multiplicité des oppressions touchant actuellement certaines catégories de la population issues de l’immigration ou perçues comme telles.

Les différents appels ayant eu lieu en vue de la mise sur pied d’une commission sur le racisme systémique nous placent indéniablement devant l’importance de dévoiler ce qui sous-tend, souvent de manière inconsciente, les nouvelles formes de racisme. Dans une société et une nation comme le Québec, ayant déjà été historiquement la cible de représentations xénophobes dans l’ensemble canadien, il serait paradoxal[1] de ne pas lutter contre ce fléau quand son visage inquiétant apparaît en son sein et que celle-ci tend à reproduire des logiques néocoloniales de racisme qu’elle a longtemps décriées.

À nos yeux, l’importance d’une consultation sur le racisme et la discrimination systémique comme celle que la Ville de Montréal mène présentement tient au fait qu’elle nous enjoint à réfléchir sur la place inéluctable que doivent consentir[2] les majorités des démocraties libérales à l’égard des groupes minorisés qui font face à l’exclusion.

Au fond, il s’agit de lutter contre les logiques faisant reculer la vie démocratique et la citoyenneté commune. Et le gouvernement québécois actuel en induit beaucoup par différentes mesures politiques et économiques. Car le développement des préjugés, sous leurs diverses formes, est inversement proportionnel à la vitalité de notre citoyenneté démocratique. Il importe de ne pas perdre de vue que la citoyenneté n’est pas automatiquement démocratique ou égalitaire. L’égalité n’est pas naturelle, il faut souvent la faire advenir en bousculant les logiques de fonctionnement « naturelles » de nos institutions. C’est le grand mérite de ce genre de consultation. À cet égard, il eut été préférable de voir les autorités exécutives municipales confier elles-mêmes le mandat de cette consultation à l’OCPM au lieu d’attendre une fastidieuse et courageuse pétition citoyenne de plus de 15 000 personnes.

L’enjeu du racisme et de la discrimination systémiques

Il est toujours très difficile de parler de cet enjeu dans notre société. La mise en contexte historique peut ici nous être utile. Si l’on remonte à quelques décennies, il n’y avait pas de mots pour nommer le viol conjugal, le harcèlement sexuel ou la violence familiale. Pour être plus précis, il faudrait plutôt dire que ce qui nous manquait ce sont surtout les termes pour désigner les structures de pouvoir qui permettaient leur apparition et leur reproduction dans la société.

On y voyait alors des « conflits » privés ou des techniques et mesures disciplinaires nécessaires au maintien de l’ordre. Il a fallu de nombreuses mobilisations collectives féministes et que des générations de femmes dénoncent le patriarcat pour que les lois et les mœurs commencent à changer. Des mobilisations semblables ont été nécessaires pour qu’on apprenne aussi à nommer l’homophobie, ainsi que les violences à grande échelle – aujourd’hui apparentées au génocide – envers les peuples autochtones, ou même l’urgence climatique. Il en va de même pour parler d’islamophobie ou de racisme systémique.

Cela fait maintenant plusieurs décennies que des groupes cherchent à mettre en lumière leurs réalités ainsi que les discriminations qu’elles subissent. Les spécialistes de la question, comme Valérie Sala-Pala, notent que les discriminations sont systémiques lorsqu’elles « résultent du fonctionnement d’un système dont les règles et les conventions sont en apparence neutres, mais dont les modalités de fonctionnement aboutissent à défavoriser de manière significative des personnes en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à des groupes stigmatisés ». Le sociologue Fabrice Hume, pour sa part, avance qu’il faut aller plus loin et réinvestir la notion de discrimination systémique à l’aune de l’analyse des rapports institutionnels, et donc en faisant plutôt un lien de nature critique avec la notion de racisme institutionnel et non seulement systémique.

Il faut garder à l’esprit, dit-il, que la notion de racisme institutionnel élaborée par des défenseurs étasuniens des droits civiques, vise à étendre la portée de l’analyse du racisme et à en changer le centre de gravité : des individus ou des situations interactionnelles vers des mécanismes institutionnalisés et structurels de production d’inégalités et de racisation (c’est-à-dire d’imputation et de traitement de groupes comme « races »). Nous gagnerions à penser le passage ou la relation entre les notions de racisme institutionnel et de discrimination systémique. Dans la logique de discrimination systémique, on peut aboutir à la dissémination des responsabilités et le flou peut demeurer quant à leur articulation.

La notion de racisme institutionnel a, dit Fabrice Hume, pour elle sa force « dénonciatrice et le fait de poser centralement la responsabilité des institutions » dans le maintien des rapports sociaux de race. L’attention de la discrimination systémique aux interdépendances par ailleurs peut sembler affaiblir la question institutionnelle, pourtant au cœur des discriminations en cherchant à démontrer l’intentionnalité de l’acte discriminatoire ou raciste. Fabrice Hume nous dit qu’en partant de la critique du racisme institutionnel, on perçoit que la notion de discrimination systémique peut facilement « glisser de la complexification d’une analyse à une insistance sur la non-intentionnalité qui sert surtout à protéger les institutions (…) Quelle que soit l’échelle, les logiques conduisant à la racisation sont diverses, et parmi elles on ne peut faire l’impasse sur le rôle déterminant de l’État et de ses institutions dans la structuration du racisme ».

De quoi les victimes de racisme sont-elles exclues?

Le CJF tient depuis longtemps à rappeler que les notions d’exclusion et d’inclusion en cause dans ces débats ne décrivent pas tant des règles ou des situations fixes que des conflits sociaux et des rapports de pouvoir au travers desquels la citoyenneté « réfléchit » l’écart entre les principes universalistes et égalitaires énoncés par nos institutions (et qui seraient au cœur de leur fonctionnement!) et la réalité effective. En ce sens, la notion d’exclusion est révélatrice des contradictions actuelles qui traversent la citoyenneté à cause surtout de différents mécanismes qui tiennent à distance de l’égalité effective des catégories importantes de nos populations.

Cela nécessite donc de défendre des droits fondamentaux, comme le rappelle sans cesse un organisme partenaire comme la Ligue des droits et libertés, mais aussi de penser leur combinaison avec des représentations et des pratiques. Ce qui demande notamment que l’on s’attarde aux représentations et aux dynamiques d’exclusion s’appliquant quotidiennement à l’expérience des personnes. Il y va du rôle d’une telle consultation d’en situer les causes ou les non-dits, voire des biais implicites.

Ce rappel est fondamental car les personnes victimes ou sujettes au racisme disposent dans la majorité des cas des mêmes droits que le grand nombre. Mais leur réalité est faite d’injustices, d’inégalités sociales et de trop d’indignité. Il ne faut pas perdre de vue ici l’enjeu de l’inaccessibilité de la justice pour les personnes victimes de racisme.

Les victimes de racisme sont confrontées aux injustices et inégalités sociales 

En son temps, l’écrivain James Baldwin disait qu’« on ne peut pas changer tout ce qu’on affronte. Mais rien ne peut changer tant qu’on ne l’affronte pas ». En quelque sorte, on peut dire que la mobilisation québécoise de lutte contre le racisme s’inscrit dans le même sillage. Lors de notre activité contributive citoyenne menée le 24 septembre 2019, les personnes participantes ont nommé diverses expériences et partagé des vécus liés : à la criminalisation abusive, au profilage racial, à la brutalité policière, à la discrimination à l’emploi, à l’exclusion de plusieurs milieux professionnels, au décrochage scolaire, aux iniquités d’accès aux soins de santé et aux services sociaux.

À cet égard, un grand nombre de personnes à l’origine de cette démarche en vue de la mise sur pied de cette consultation montréalaise n’a cessé de parler des écarts importants entre les arrondissements pour le financement des infrastructures et des programmes, du peu d’espaces verts dans les quartiers défavorisé, etc. Elles relataient aussi le faible pourcentage de personnes issues des minorités dans les emplois.

À ces témoignages, s’ajoute l’inquiétude de nombreux groupes intervenants auprès des personnes racisées qui font état des reprises disproportionnées de logements, de harcèlement psychologique et de rue envers des femmes portant le hidjab. Ce ne sont là que quelques exemples. On peut aussi parler des tensions autour du zonage pour les lieux de culte, des zones mal desservies par la STM, des citoyens harcelés, malmenés (violences physique, contrôles d’identité répétés, bavures) par la police. Sans oublier l’homogénéité des directions de service, des conseils d’administration et des élus. On pourrait multiplier les exemples, mais surtout les données et les faits.

Le profilage et sa documentation

L’intérêt des chercheurs et des organisations de la société civile est de rappeler à la Ville et aux pouvoirs publics l’importance d’accéder aux dossiers judiciaires et de disposer d’informations sur les plaignants qui ont déposé une plainte pour des faits racistes qu’ils ont vécus, ainsi que sur les témoins et les actes racistes. C’est une source très riche, qui permet de poser des questions sur le profil social des plaignants et des mis en cause, le processus judiciaire, la spatialisation des actes racistes. Il s’agira de voir s’il y a des différences de traitement entre types de racisme, etc.[3]

Cela peut permettre également de voir ce qu’est une injure, ce que sont les violences plus proprement racistes, les provocations à la haine raciale, les discriminations, les diffamations, les outrages. Tout ça n’est pas la même chose. Il y a aussi des plaintes non retenues. Ce qui nous amène à affirmer que la question de la police et de son imputabilité est très importante.

Nous pourrons aller plus loin en essayant de voir ce qui dissuade des personnes victimes de racisme de déposer des plaintes et pourquoi. Le fait de rendre compte de ces éléments, idéalement selon l’analyse genrée, peut aider à mesurer le décalage entre les personnes victimes de racisme ou d’injures et le pourcentage de celles qui déposent plainte.

On pourrait également, comme le suggère les sociologues Abdellali Hajjat et Nargeses Keyhani et Cécile Rodrigues, essayer de documenter l’écart entre ce que la police considère et qualifie comme raciste et ce que les personnes disent avoir vécu : en Grande-Bretagne, beaucoup plus d’actes racistes – dits « hate crimes » – font l’objet de plaintes, du fait d’une politique publique active menée depuis les années 1990 et 2000. Le fameux rapport MacPherson publié en 1999 sur l’affaire Stephen Lawrence reconnaît officiellement l’existence d’un racisme institutionnel.  

Aux États-Unis, il existe aussi des « Community Units », à New York, Baltimore et Boston par exemple, qui ont été créées dans les années 1990 à la suite de mobilisations antiracistes et du vote en 1990 de la Hate Crime Reporting Law qui oblige les polices municipales, de comté, d’État et fédérales à produire des statistiques sur les crimes de haine. Dans les villes où existent des unités spécialisées, un nombre plus important d’affaires racistes est traité et les taux de résolutions et de poursuites sont plus élevés[4]. Dans le cas montréalais, de telles unités seraient nécessaires surtout après la parution du rapport des trois chercheurs indépendants concernant les interpellations du SPVM, le 11 octobre 2019.

En d’autres termes, tout cela permet la création d’un espace institutionnel où ces affaires peuvent être accueillies par des professionnels expérimentés et spécialisés. Quand les services de police ne sont pas spécialisés, ils vont avoir tendance à traiter ces affaires racistes comme n’importe quelle autre, à remettre en cause la parole de la victime en l’absence de témoin. Sur ce point, on peut faire un parallèle avec le traitement judiciaire des affaires sexistes. Qu’est-ce qui fait qu’une infraction à caractère raciste va être poursuivie ou non[5] ? Il serait souhaitable que la Ville et ses services de recherche se penchent sur ces questions. Cela pourrait contribuer à une meilleure prise en charge des infractions racistes.

L’objectif du CJF en participant à cette discussion citoyenne est de rappeler à la Ville de Montréal l’importance de prolonger l’analyse qui porte trop souvent sur les discours racistes en interrogeant le lien entre discours et actes. Elle doit mettre sur pied des moyens qui lui permettront d’avoir une vue d’ensemble des infractions, des types de racisme et de leur traitement judiciaire. Une fine analyse sociologique de l’imbrication de facteurs de diverses natures permettrait de discerner les éventuelles spécificités du traitement judiciaire des infractions racistes par rapport à celui d’autres infractions.

On a très peu de données sur les caractéristiques de ces actes racistes, sur leurs auteurs et sur leurs victimes. La littérature scientifique s’est surtout focalisée d’une part sur les discours publics réactionnaires et, d’autre part, sur les discriminations. L’objectif est de rappeler aux décideurs l’importance de disposer d’éléments empiriques de base pour identifier les aspects élémentaires du phénomène raciste.

Définition conceptuelle / la catégorisation et le défi analytique

Dans le cadre montréalais, les populations issues de l’immigration sont classifiées sociologiquement sous divers vocables : minorités visibles, minorités ethniques, nouveaux arrivants. Ces définitions mises en place officiellement pour favoriser l’inclusion économique et sociale des minorités immigrantes sont devenues des obstacles surtout lorsqu’on voit le faible taux d’embauche dans certains secteurs de la Ville. Cela pose l’enjeu de la nécessité de réinterroger ces catégorisations.

Quand on pense à ces enjeux, le premier réflexe qui nous vient à l’esprit est de les associer à ceux de l’immigration. Ce qui n’est pas faux. Mais la question est toutefois plus compliquée. Les termes d’« immigrant » et, plus encore d’« immigrant de deuxième génération »  contribue à créer une réalité par le simple fait de la désigner. Le terme « deuxième génération » renvoie aux descendants de ceux et celles qui ont été à un moment de leur vie « immigrants ». Ce statut imprègne quasiment tous les domaines de la vie de cette personne. Ce « statut » d’immigrant est un statut par définition « temporaire »; il s’agit d’un participe présent : on est immigrant pendant le processus d’immigration, pas après. Le concept d’immigrant, lorsqu’il est attaché « à vie » à une personne constitue mécaniquement un frein sur le fait d’être reconnu comme citoyen et de vivre sa citoyenneté de manière pleine et entière, puisque, ces personnes sont constamment renvoyées à un schème généalogique extérieur à la société.  

Inversement, si le concept d’immigrant (y compris de 2e et de 3e génération) est officiellement défini par les institutions fédérales et canadiennes, le concept de majorité y est beaucoup plus flou. La majorité se définit à rebours des minorités. Les minorités sont constituées de races et d’ethnies, de langues étrangères et de dialectes, de religions et des coutumes « autres » dont on se demande assez régulièrement si elles sont compatibles avec les « valeurs québécoises ». La majorité quant à elle n’a pas de race, pas de couleur, elle est, tout simplement, elle parle la langue officielle, elle pratique la religion dominante (athéisme compris), elle est hétéronormée et, apparaît même parfois sous l’idéal type d’un homme blanc d’une cinquantaine d’années. Cette consultation doit être l’occasion idoine pour interroger ces notions. En d’autres termes, souscrire au concept de minorité revient à signer un abonnement à vie pour l’altérité, sans possibilité de résignation. Il faut donc savoir manier ces termes et prendre la mesure de ce qu’ils charrient.

Voilà pourquoi nous disons ici que les enjeux de racisme et de discrimination ne renvoient pas qu’aux personnes dites migrantes ou immigrantes[6]. Ils concernent plus largement des personnes nées ici mais ramenées à la marque d’altérisation ou à une figure étrangère posée en extériorité irréductible et constitutive. D’ailleurs le document de consultation de la Ville de Montréal préparé pour l’Office de consultation publique de Montréal en avril 2019 considère encore comme une personne immigrante, celle « née au Canada et dont au moins un des deux parents est né à l’étranger (1e et 2e générations) » (p.10).

Partant de ce constat et compte tenu de la réalité du racisme et des discriminations que l’on observe à Montréal, nous pensons que le qualificatif « personnes racisées » est peut-être le moins ambigu. Nous le préférons à celui de « minorités visibles » pour désigner, au Québec, les minorités issues, ou dont les ancêtres sont issus de sociétés anciennement colonisées ou marquées par l’esclavage et la matrice coloniale[7]. La notion de racisation vise non seulement à souligner le caractère construit de la « race » mais, par-dessus tout, le fait que celle-ci résulte d’un processus de catégorisation externe opérée par le groupe majoritaire. C’est le racisme comme fait vécu et rapport social qui crée la race et non pas le fait d’en parler. La race n’est pas qu’une construction, elle est une réalité et une expérience objective vécue par les personnes[8].

Cela dit, cette catégorisation exerce une violence parfois physique, mais systématiquement symbolique sur les personnes concernées en leur assignant, non pas une culture historiquement construite et en mouvement (privilège des groupes majoritaires), mais plutôt des traits immuables et une déshumanisation donnant lieu à une insensibilité manifeste aux indignités subies. C’est pourquoi, nous saluons les mobilisations à l’origine de cette consultation : elles peuvent remettre non seulement en question ces assignations, mais aussi interroger le décompte social et le fonctionnement politique municipal. Cette remise en cause a pour vertu de mieux nous faire réfléchir sur l’ordre dominant des choses et sur l’ordre des explications qui normalement l’accompagne[9]. L’impératif de disposer de cet enjeu enjoint les majorités de nos « démocraties libérales » à imaginer des arrangements institutionnels qui, pour reprendre les mots du philosophe Étienne Balibar, « démocratisent la démocratie » et « excluent l’exclusion ».

Tout cela doit bousculer les logiques de fonctionnement « naturelles » de nos institutions. Cela est d’autant plus nécessaire que tout racisme a une portée systémique et qu’il est inscrit dans les effets et pratiques pathologiques plus ou moins accentués de nos institutions. Il devient nécessaire de parler de racisme institutionnalisé lorsque les institutions ou les acteurs au sein de celles-ci développent et mettent en place des pratiques rendant leurs effectifs moins diversifiés que ce à quoi ils se sont engagés[10]. Et ce, en dehors de toute intention manifeste et directe de nuire à des groupes particuliers. Soulignons ici que toute institution de principes universalistes passe par des normes d’appartenance auxquelles les individus doivent se conformer. Le racisme peut surgir dans le fait que le fonctionnement de la vie collective participe d’un régime de normalités qui peut déprécier certaines personnes et leur façon de vivre jugée anormale. Car le discours racisant actuel parle d’abord en termes d’« évidences » ; des évidences faites de stéréotypes, de biais implicites et de préjugés.  

Le rôle de la Ville de Montréal

À l’instar de la Ligue des droits et libertés et d’autres groupes, nous pensons que la volonté politique sera ici indispensable si l’on veut sincèrement affronter ce phénomène. Cela signifie entre autres d’y « consacrer du temps, d’imaginer des programmes publics audacieux et travailler avec les personnes directement touchées par les inégalités fondées sur le racisme. Montréal fait déjà partie des coalitions internationale et canadienne des villes contre le racisme et a entrepris un certain nombre de démarches pour devenir une ville inclusive et exempte de racisme ».

Rappelons que la Ville s’est dotée de la Déclaration de Montréal contre la discrimination raciale en 1989, de la Déclaration de Montréal pour la diversité culturelle et l’inclusion en 2004, de la Charte montréalaise des droits et responsabilités en 2005 et de la Déclaration de Montréal sur le vivre ensemble en 2015. Elle dispose aussi de la Déclaration pour assurer les services de base à la population des communautés autochtones (2018).

En 2018, la Ville a créé la Table sur la diversité, l’inclusion et la lutte contre les discriminations. Il reste cependant du travail à accomplir. Le CJF prend ces structures au mot. En tant que métropole québécoise, Montréal dispose de pouvoirs accrus par rapport aux autres municipalités. Elle doit en faire usage dans sa lutte contre le racisme systémique.

Par ailleurs en tant qu’employeur, certes la Ville s’est dotée de divers programmes afin de rejoindre les minorités racisées, mais il n’en reste pas moins que malgré une augmentation graduelle de ses effectifs, cela demeure insuffisant. Au niveau de la politique municipale, l’absence des minorités racisées est flagrante. Ce qui soulève des questionnements sur le recrutement des personnes et les formes d’assignations prévalant sur elles.

L’enjeu de l’égalité dans l’accès aux services publics municipaux

S’agissant de la question de l’accès aux services publics, plusieurs récits de vie, rapportés par la les organismes de Montréal-Nord suite à un sondage local visant à cerner le vécu des citoyens et citoyennes en matière de discriminations et de racisme, témoignent de formes de discriminations qu’ils et elles interprètent comme relevant de la racialisation par des employés de services municipaux. À cet égard, un rapport de recherche Les interpellations policières à la lumière des identités racisées des personnes interpellées rédigé par Victor Armony, Mariam Hassaoui et Massimiliano Mulone a été remis le mois dernier SPVM. Le document affirme que : « [L]’une des difficultés principales de la lutte contre le profilage racial est le fait que des discriminations raciales peuvent exister sans que des valeurs racistes ne soient explicitement véhiculées par l’institution ou par les individus qui la composent » (p.16). Cela renvoie à l’existence d’un ensemble de gestes, de pratiques, d’habitudes historiquement incorporées, ancrées et qui persistent malgré le fait que le discours officiel récuse aujourd’hui la discrimination basée sur la race.

Ces pratiques et dynamiques ne sont pas réductibles au seul corps policier. On les retrouve, nous disent les observateurs de Montréal-Nord suivant cet enjeu, « dans diverses sphères de la vie sociale : dans les bibliothèques, dans les arénas, dans les piscines, à l’école, etc. » Partant de ce constat, on plaide l’importance de recourir à une « perspective intersectionnelle qui prend en compte non seulement la racialisation, mais aussi le sexisme, les inégalités socio-économiques, le mépris que vivent les personnes LGBTQ2+ et les personnes vivant avec un ou des handicaps ».

On le voit bien, loin de se cantonner à la seule sphère économique, les discriminations et le racisme sévissent au-delà des murs de l’entreprise, dans la rue, dans les médias, tout comme dans les débats et les espaces de délibération, notamment les médias sociaux. C’est la raison pour laquelle nous saluons les initiatives de récits de vie menées à Montréal-Nord. Ces récits de vie doivent être multipliés dans différents lieux métropolitains. On pourrait ainsi mieux prendre la mesure de la condescendance que les personnes appartenant à des communautés minoritaires ressentent au quotidien. Sans oublier la perception d’un « double discours », de formes de « favoritisme » : les personnes racisées remarquent qu’on ne leur parle pas comme lorsqu’on s’adresse aux personnes du groupe majoritaire blanc. Elles se sentent dépréciées et dévalorisées. Le même phénomène s’observe avec les Premières nations.

Autochtones en milieu urbain

Le CJF se joint à de nombreux partenaires qui réitérent l’importance de ne pas perdre de vue la situation des Autochtones vivant en milieu urbain lors de cette consultation. Même si les enjeux les concernant s’inscrivent dans le cadre de rapports de nation à nations, et dépassent le cadre municipal. Le tragique de leur situation a en partie été exposé par la Commission Vérité et réconciliation, l’Enquête nationale sur les femmes disparues ou assassinées et le rapport de la Commission sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (CERP). Sans oublier que les commissaires de l’Enquête nationale sur les femmes disparues ou assassinées font état de statistiques accablantes. Rappelons que Montréal est le foyer de plusieurs nations autochtones, ce qui exige l’établissement de relations égalitaires, respectueuses et harmonieuses.

Par ailleurs, du fait de rapports historiques largement tributaires du colonialisme et du racisme, nous devons absolument prendre la mesure des obstacles à la participation des nations autochtones. À cause de cela, il nous paraît fondamental de mettre sur pied, à tout le moins, des formations destinées aux membres des élus municipaux, mais aussi des séances concernant l’histoire, les savoirs et la culture des nations autochtones ainsi que le développement de compétences interculturelles. Cela passe par une prise en compte des réalités des nations autochtones établies à Montréal, un territoire non cédé. De nombreux groupes au fait de ces réalités peuvent y contribuer; à la Ville de tenir compte de leurs recommandations et de divers rapports déjà produits en la matière.

 

Rappel des recommandations

Le CJF tient ici à rappeler, brièvement, les principales recommandations qui ressortent de notre analyse tout en gardant en perspective qu’elles ne  visent aucunement à résumer notre mémoire. Certaines sont générales, d’autres découlent de l’activité citoyenne publique que nous avons menée le 24 septembre 2019, tandis que d’autres s’inspirent d’organisations de Montréal-Nord et de Parc-Extension :

Pour que la Ville de Montréal devienne un employeur inclusif, il est important d’appliquer des mesures effectives en matière d’embauche, de mentorat et de formation de ses employés. Elle doit aussi se donner les moyens d’être au fait des réalités vécues par les personnes racisées (qu’elles soient d’arrivée récente ou nées ici). Voici quelques recommandations succintes que nous soutenons :

 

Conclusion

Il nous semble de plus en plus clair que l’on devra apprendre à cesser de se représenter le Québec selon nos schémas habituels. Les récentes élections provinciales et fédérales en témoignent. Les courants apparentés au nationalisme identitaire peinent à élire des députés dans la région métropolitaine. Il n’est pas exagéré de dire qu’il serait éventuellement possible de voir une formation politique québécoise implantée quasi exclusivement à Montréal prendre le pouvoir à l’échelle du Québec. Tout cela n’est pas de nature à construire des relations harmonieuses au Québec.

Pour le moment, l’échiquier politique provincial se trouve dominé et hégémonisé par le groupe majoritaire établi à l’extérieur de Montréal. Il est important d’aller au-delà de ce clivage et des polarisations qui pourraient en découler. Ce débat et ce type de consultation annoncent quelque chose dont on doit prendre la mesure. Ce n’est pas un hasard si c’est au seul échelon municipal qu’il est possible d’aborder cet enjeu au Québec. Il nous paraît important d’infléchir les tensions qui affectent la relation entre le groupe majoritaire et les minorités. Tout cela s’est politiquement aggravé depuis quelques décennies.

Trop souvent des groupes minoritaires sont posés comme des réalités irréductibles et incompatibles dans différents débats de société relatifs à la question de la laïcité ou aux enjeux migratoires. Un racisme patent – qui n’est toutefois pas réductible aux enjeux nommés plus haut – opère de façon latente en sous-texte de ces discours et de nombreuses mesures institutionnelles. Les luttes au racisme menées sur la place publique nous donnent à voir des minorités qui se coalisent pour se protéger et se dresser contre ce qui est aisément associé à la majorité historique. Il faut une véritable lutte au racisme, franche et sincère si l’on veut rééquilibrer les choses sur ce plan et redonner vie et crédibilité à un projet de société inclusif et résolument démocratique pour la collectivité québécoise. Montréal peut jouer un rôle de premier plan ici.

Mais ce débat doit aussi s’inscrire dans une perspective plus large de démocratie municipale. Il faut un va-et-vient entre les mesures étatiques et les initiatives citoyennes de portée constituante. Ce débat doit nous conduire à faire preuve de plus d’imagination politique. On pourrait aussi œuvrer à la mise sur pied de groupes[11] situés dans différents quartiers et arrondissements qui agissent en dehors des élections et qui vont, par exemple, interpeller les élus durant les conseils municipaux sur les questions du racisme, comme sur d’autres enjeux. De tels groupes ou structures pourraient organiser des manifestations ou encore des campagnes sur des enjeux divers sous-jacents aux questions du racisme : le droit au logement social, la lutte aux inégalités selon les lieux, la gentrification.

Tout cela constitue les prémices d’une perpective de démocratie et de justice municipaliste pouvant permettre aux citoyens et aux collectivités de se réapproprier les villes, de créer des processus constituants, voire de nouvelles constitutions municipales démocratiques capables de créer des liens entre plusieurs municipalités – à la fois au sein d’un territoire commun et peut-être à un autre niveau. En ce sens, le CJF est dans la droite ligne de ces initiatives en faveur d’une ville juste et de ce que Jonathan Durant-Folco appelle « le municipalisme, qui est la vision selon laquelle la démocratisation économique, sociale et politique se base sur la réappropriation des municipalités ».

 

Bibliographie :       

Fabrice Dhume, « Du racisme institutionnel à la discrimination systémique? Reformuler l’approche critique », Migrations Société, No 163, Vol.1, 2016, pp. 33-46;

Jonathan Durand-Folco, À nous la ville ! Traité de municipalisme, Montréal, Écosociété, 2017;

Abdellali Hajjat, Narguesse Keyhani, Cécile Rodrigues, « Infraction raciste (non) confirmée. Sociologie du traitement judiciaire des infractions racistes dans trois tribunaux correctionnels », Revue française de science politique, Vol. 69, No 3/2019, pp. 407-438;

Nargesse Keyhani, Abdellali Hajjat et Cécile Rodriguez, « Saisir le racisme par sa pénalisation? Apports et limites d’une analyse fondée sur les dossiers judiciaires », Genèses, No 116, Vol. 3/2019, pp. 125-144;

Bochra Manaï (coor.), Ricardo Gustave, Marilyn Butler, Myerka Aubé-Guerra, Giulia Pisconti, « Perspectives nord-montréalaises sur les enjeux de racisme et de discrimination », Mémoire présenté à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), Novembre 2019, 43 pages;

Jacques Rancière, « Les vertus de l’inexplicable – à propos des « gilets jaunes », AOC, 8 janvier 2019;

Valérie Sala-Pala, « Le racisme institutionnel dans la politique du logement social », Sciences de la société, No 65, mai 2005, pp.87-102;

Valérie Sala Pala, « Faut-il en finir avec le concept de racisme institutionnel? » Regards Sociologiques, No 39, 2010, pp. 31-47;

« Document de consultation préparé par la Ville de Montréal pour l’Office de consultation publique de Montréal », Avril 2019, 68 pages;

« La Ville de Montréal possède les outils nécessaires pour contrer le racisme systémique », Mémoire de la Ligue des droits et libertés, 31 octobre 2019, 14 pages;

« Le racisme systémique à Parc-Extension : résumé des enjeux soulevés lors de la consultation et pistes de solution », Mémoire déposé à l’OCPM par la Table de quartier de Parc-Extension, de Brique par brique, de la Tiger Lotus Coop et du Réseau CBAR de Parc-Extension, 1er novembre 2019.


[1] Cela est pour une part tributaire de la façon qu’ont les Québécois de se percevoir et qui s’est collectivement transformée dans les années 1960-1970. La publication de Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières en 1968, entre autres, a marqué un tournant à cet égard. Parce qu’ils traduisaient des sentiments réels chez la population québécoise, les propos de Vallières ont été reçus comme une enquête historique et une analyse sociologique, et ce, même s’il indique clairement que ce n’est pas son intention. Par ailleurs, les Québécois continuent de se considérer comme Euro-descendants et cela marque à sa façon les rapports entre Euro-descendants et peuples autochtones d’une part, et entre Euro-descendants et populations noires et racisées – selon des modalités bien sûr différentes –, d’autre part. Voir le travail de Philippe Néméh-Nombré à cet égard.

[2] Plus que ce que peuvent consentir les majorités, rien ne se fera sans une lutte des personnes concernées. L’enjeu est ici politique et renvoie au maintien de privilèges.

[3] Il s’agit aussi de voir comment les femmes sont affectées par ces phénomènes. Il est absolument nécessaire d’obtenir informations qualitatives et quantitatives genrées.

[4] L’idée étant ici de limiter l’impunité et de lui substituer l’imputabilité.

[5] Une des pistes de solution concernant la police serait l’obligation de filmer les contrôles d’identité et la possibilité pour un organisme réellement indépendant d’y avoir accès. Cela contribuerait d’une certaine manière à renverser le fardeau de la preuve. De même, il faudrait que les affaires de brutalité policière soient jugées par une justice courante équipée de balises claires et non pas des comités prétendument indépendants surtout composés d’anciens policiers. Il y a une solidarité organique dans certains milieux (Durkheim parlait en son temps du clergé et de l’armée, mais on pourrait certainement y ajouter la police); une justice réellement indépendante ne serait donc PAS composée de personnes du corps policier, mais de magistrats spécialisés dans les affaires de racisme par exemple. Il faut aussi s’attarder sur la faible représentativité dans ces corps institutionnels (police… à tous les échelons, école, justice, sans parler des avocats commis d’office).

[6] On ne perd pas de vue que les im-migrants racisés sont très affectés par ces enjeux du racisme. Les personnes à statut irrégulier ne sont pas à oublier non plus. D’autres organisations partenaires soulèvent ces enjeux qu’elles suivent de près.

[7] On pourrait voir cela comme une survivance historique ou, plus exactement, une tension entre la réalité génétique et scientifique invalidant le concept de race et la réalité sociale dans laquelle ce concept est toujours opérant à un niveau systémique.

[8] La race est une réalité concrète qui pèse sur les existences des gens, notamment du fait notamment d’une négrophobie (pour nous en tenir aux existences noires) persistante que les sciences sociales prouvent et documentent. Mais ce travail empirique, qui montre qu’il n’est pas facile de se débarrasser de la race, qu’elle n’est pas juste une affaire de perception ou d’idéologie – mais qu’elle affecte considérablement la vie sociale dans sa totalité, a été souvent mis de côté. Voir : https://cjf.qc.ca/vivre-ensemble/webzine/article/la-dignite-et-lhonneur-en-politique-quest-ce-a-dire-au-regard-du-racisme-et-des-personnes-noires-entretien-avec-le-philosophe-norman-ajari/

[9] Jacques Rancière nous dit que « les moblisations politiques, n’importe ceux et celles qui les portent, ne sont pas qu’instrumentales et n’ont pas de raisons préalables. En revanche, elles ont une logique. Et celle-ci consiste précisément à briser les cadres au sein desquels sont normalement perçues les raisons de l’ordre et du désordre et les personnes aptes à en juger. Ces cadres, ce sont d’abord des usages politiques de l’espace et du temps ». Pour en savoir plus : https://aoc.media/opinion/2019/01/08/vertus-de-linexplicable-a-propos-gilets-jaunes/

[10] De plus, cette diversité s’amenuise jusqu’à disparaître complètement lorsque l’on gravit les échelons hiérarchiques.

[11] Il faudrait s’assurer de l’indépendance des ces groupes par rapport aux administrations ou aux fonctionnaires des arrondissements.  

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