25 janvier 2018

Face à la montée de la violence, que peut encore la non-violence?

Le Québec est sur le point d’honorer la mémoire des six victimes de l’attentat perpétré contre la grande mosquée de Québec, le 29 janvier 2017. Il nous a paru essentiel de témoigner notre solidarité envers les familles et communautés éprouvées, tout en suscitant une réflexion collective sur les violences multiformes qui continuent de gangrener notre société. Parfaite illustration de l’engrenage mortel qui sévit un peu partout en Occident, à la faveur de discours islamophobes décomplexés et d’une vive polarisation des débats sociaux, cet attentat nous invite à revisiter l’idéal de la non-violence.

Tout un imaginaire péjoratif est cependant accolé à la non-violence, assimilant celle-ci à une forme d’apathie ou de démission à l’égard des injustices sociales et des régimes oppressifs. C’est, pensons-nous, assez mal connaître la puissance subversive et révolutionnaire de la résistance non-violente et de la désobéissance civile. Diverses figures historiques de ce courant — pensons ici à Martin Luther King, à Oscar Romero au Salvador ou encore à Berta Cáceres, au Honduras — ont payé de leur vie leur engagement en faveur de la liberté, de la solidarité et de la justice sociale.

Choix politique courageux et audacieux, la résistance non-violente est en mesure de court-circuiter la spirale de la haine, de l’injustice et de l’oppression. Et aussi de transformer durablement — et en profondeur — les structures sociales injustes, oppressives ou discriminatoires. Particulièrement lorsque les luttes sociales parviennent à mobiliser un grand nombre de citoyens, rendant ainsi plus difficiles les politiques répressives des pouvoirs publics et forçant ceux-ci à reculer : pensons ici au Printemps érable, ou encore à la lutte contre l’exploitation du gaz de schiste.

Au cours des dernières décennies, la capacité de mobilisation sociale a cependant été mise en péril par une succession de lois, règlements et mesures d’exception ayant pour effet de criminaliser l’action collective et de porter atteinte aux libertés fondamentales des citoyens. Pensons ici au resserrement des contrôles policiers, aux arrestations de masse et au profilage des militants, de même qu’à l’instrumentalisation politique et médiatique de la moindre échauffourée et du moindre acte de vandalisme, afin de condamner sans nuance des mobilisations tout à fait légitimes.

D’où l’importance de réfléchir aux tenants et aboutissants de la désobéissance civile et de la résistance non-violente. Une tradition d’engagement qui demeure plus pertinente que jamais, mais qui doit cependant tenir compte d’un contexte politique, social et médiatique en profonde mutation, afin de mieux redéployer les intuitions révolutionnaires de ses pionniers.

Frédéric Barriault,
Centre justice et foi
Organisateur de la Soirée Relations Choisir la résistance non-violente 

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Le Centre justice et foi (CJF) est un centre d’analyse sociale qui pose un regard critique sur les structures sociales, politiques, économiques, culturelles et religieuses. Il publie la revue Relations et organise différentes activités publiques, notamment les Soirées Relations. Son secteur Vivre ensemble développe une expertise sur les enjeux d’immigration, de protection des réfugiés ainsi que sur le pluralisme culturel et religieux.

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