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La théologie de la migration, de par ses racines que l’on trouve dans la théologie de la libération, est comprise comme étant contextuelle et portant une option préférentielle pour les pauvres. Or, la migration ne peut se limiter à être associée à l’oppression et à la pauvreté socio-économique. Le simple fait de vouloir sortir de l’oppression et en finir avec la pauvreté socio-économique engendre une volonté de prospérité et de réussite. Ceux qui pratiquent une action pastorale en faveur des migrants tendent à voir ces derniers comme des pauvres, des démunis ayant besoin d’aide. Cette façon de voir les conforte peut-être dans leur statut de « gens du Nord »? Or, l’immigrant ne se voit pas nécessairement ainsi. Ce dernier n’est pas venu dans le pays d’accueil chercher la pitié ou une aide paternaliste, bien qu’il puisse apprécier l’élan de solidarité des citoyens du pays d’accueil.
L’immigrant sait qu’il devra faire face à des difficultés et il est prêt à les affronter. Par choix ou de force, il est conscient qu’il laisse derrière lui un certain bien-être qu’il ne récupérera pas du jour au lendemain en terre d’accueil. Il sait qu’il devra lutter pour son bien-être et celui de sa famille. Souvent, l’immigrant mesure son succès migratoire par sa réussite économique et sociale à l’intérieur des règles et des paramètres de la société d’accueil. Le fait de gravir les échelons de la hiérarchie du pays hôte devient pour l’immigrant une démonstration de son intégration.
Le pays d’accueil est plutôt divisé quant à ce qu’il considère comme étant une réussite migratoire. Une opinion plus populaire dans les milieux aisés et de classe moyenne « moyenne » préfère cet immigrant porteur d’ambition économique. On comprend qu’il veut s’intégrer à la façon de faire du pays hôte, qu’il veut participer à son économie et ne pas être un fardeau pour la société d’accueil. Dans les milieux dits plus progressistes, on souhaite donner une chance à celui qui n’en a pas eue. L’autonomie économique y est certainement bien perçue, mais un « trop grand » succès socio-économique le catégoriserait à leurs yeux comme arriviste. Le geste de solidarité pour le plus pauvre, pour l’être en carence de liberté, de biens matériels, ou de possibilités d’émancipation, constitue le leitmotiv de leur attitude hospitalière.
Dans les faits, celui que l’on appelle l’immigrant économique est motivé, dans son choix d’émigrer, par les possibilités qui lui sont présentées d’accéder à un échelon plus élevé dans l’échelle sociale. Très peu émigrent pour épouser les luttes sociales ou révolutionnaires de la terre d’accueil.
La Bible présente certains personnages ayant ces caractéristiques de l’immigrant qui arrivera à obtenir un statut social très en vue dans la société d’accueil, même si parfois celle-ci a été dure avec lui. Cet immigrant est pour beaucoup d’autres immigrants comme lui la preuve vivante et irréfutable qu’il est possible de réussir en cette terre d’accueil malgré sa condition immigrante. C’est un peu le cas de Joseph dans le livre de la Genèse. Jeté par ses frères, il est recueilli par un Égyptien pour devenir successivement esclave, prisonnier et finalement l’homme le plus puissant d’Égypte après le Pharaon : « C’est toi qui seras mon majordome. Tout mon peuple se soumettra à tes ordres et par le trône seulement je te serai supérieur. » Le Pharaon dit à Joseph : « Vois : je t’établis sur tout le pays d’Égypte. » (Gn 41,40-41). Joseph s’est ensuite montré intransigeant face aux siens, à ses frères, venus demander de l’aide en Égypte sans que ces derniers ne sachent qu’ils eussent affaire à leur frère Joseph, celui qu’ils avaient laissé pour mort. Finalement, Joseph s’attendrit et accueille ses frères en Égypte. En même temps, en accueillant ses frères dans sa propre terre d’accueil, là où il a gravi les échelons de la hiérarchie sociale, il contribue à les déraciner de leur terre pour les établir en un lieu où leurs descendants deviendront des esclaves et où ils subiront l’oppression et la discrimination à cause de leur origine ethnoreligieuse.
Une situation semblable se présente avec Mardochée et Esther qui est présentée dans le livre d’Esther. Cette orpheline juive, prise en charge par son cousin Mardochée alors que leurs familles furent déportées au temps de l’empire assyrien, se retrouve reine des Perses. Mardochée lui conseille de ne pas révéler son identité (Est 2,20). Mardochée, au contraire, n’a pas hésité à révéler son identité juive (Est 3,4), ce qui a valu la persécution non seulement de Mardochée, mais de tous les Juifs des cent-vingt-sept provinces perses sous la gouverne du roi Xerxès. Ce récit nous amène à nous poser la question: faut-il révéler ou cacher ses origines lorsqu’il est question de vie ou de mort? Et ceux qui gravissent l’échelle sociale du pays d’accueil en se fondant à l’identité de celui-ci, ne trahissent-ils pas leur origine? N’est-il pas égoïste d’agir de la sorte? À quoi sert d’être un modèle de réussite pour son peuple si, une fois au pouvoir, on devient implicitement complice de sa répression? La réussite et l’identité entrent parfois en conflit. Devant la possibilité de la réussite personnelle dans le pays d’accueil, l’identité d’origine peut parfois sembler constituer un empêchement.
Quelques auteurs ont déjà soulevé un parallèle entre ces textes que nous venons d’évoquer et la situation de beaucoup d’immigrants latino-américains aux États-Unis. Pour notre part, dans un premier temps, nous proposons une relecture du récit d’Esther et Mardochée, afin de voir le lien qu’ils ont su faire entre la défense de leur identité et la poursuite de leurs objectifs de réussite personnelle sous l’empire perse. Dans un deuxième temps, nous ferons une analyse de la similitude de leur expérience avec celles des immigrants latino-américains en Amérique du Nord tant en terme d’identité qu’en ce qui a trait aux perspectives de succès personnel. En guise de conclusion, nous articulerons des pistes de réflexion en vue d’une recherche en cours sur la dynamique d’hospitalité d’une communauté catholique latino-américaine en banlieue de Montréal.
Le récit d’Esther et de Mardochée
Nous aborderons ici le récit d’Esther et de Mardochée qui se trouve dans le livre d’Esther et dans le livre d’Esther grec. Le premier se trouve dans toutes les Bibles tandis que le deuxième se trouve seulement dans les Bibles qui incluent les textes deutérocanoniques, c’est-à-dire des textes qui n’étaient pas reconnus initialement comme faisant partie du corpus biblique mais qui, pour certaines dénominations dont l’Église catholique romaine, en fait aujourd’hui partie.
Les deux livres relatent la même histoire, avec quelques différences cependant. Le livre d’Esther (canonique) a été rédigé en hébreu alors que le livre d’Esther grec en est une version en langue grecque. L’autre différence importante est que la version canonique ne fait aucune allusion à Dieu, alors que la version grecque deutérocanonique parle du Dieu du peuple juif. Des prières à Dieu y sont transcrites.
Mardochée est le cousin d’Esther. À la mort des parents d’Esther, Mardochée l’a adoptée pour fille (Est 2,7).[1] Mardochée serait descendant de déportés de quatrième génération : « il y avait à Suse-la-citadelle un Juif nommé Mardochée descendant de Yaïr, de Shiméï, de Qish, un Benjaminite qui avait fait partie de ceux que, de Jérusalem, Nabuchodonosor le roi de Babylone avait déportés avec Yoyakîn, le roi de Juda » (Est 2,5-6). Son nom, s’apparentant à celui du dieu babylonien Marduk, laisse entendre une certaine assimilation. Le récit n’évoque aucun signe distinctif de la judaïcité de Mardochée : ni son accent, ni sa langue, ni un comportement culturel ou même cultuel apparent n’auraient attiré l’attention. Il aura fallu qu’il dise qu’il est juif pour qu’on le sache dans son entourage. Une certaine façon d’agir, qui tient davantage de l’option politico-religieuse que de la pratique religieuse, entrainera la révélation de son identité juive.
Les circonstances de l’ascension d’Esther
Le récit commence par rendre compte de la disgrâce de la reine Vasti. Lors d’un banquet, le roi Xerxès avait demandé aux eunuques à son service d’aller chercher la reine portant le diadème royal afin d’exhiber sa beauté devant la cour (Est 1,10-11). Vasti refusa d’obéir. La désobéissance de la reine risquait d’avoir un « désastreux » effet d’entrainement sur les autres femmes du royaume : « car la conduite de la reine filtrera jusqu’à toutes les femmes, les poussant à mépriser leurs maris, en disant : “Le roi Xerxès avait dit de faire venir devant lui Vasti, la reine, mais elle n’est pas venue !” » (Est 1,17). Un décret irrévocable fut alors prononcé et Vasti ne pourra plus venir en présence du roi ; le titre de reine sera conséquemment attribué à une autre femme. On se mit à chercher une nouvelle reine parmi les jeunes filles vierges et belles à regarder (Est 2,2). « Et le roi tomba amoureux d’Esther plus que de toutes les femmes, et elle gagna sa bienveillance et sa faveur plus que toutes les jeunes filles. Il mit alors le diadème royal sur sa tête et il la fit reine à la place de Vasti. » (Est 2,17). C’est ainsi qu’une jeune descendante d’exilés juifs se trouva, quelques générations plus tard, reine du royaume de Xerxès le roi Perse. Pour une deuxième fois dans le texte, il est mentionné qu’Esther n’avait révélé ni sa parenté ni son identité juive, comme Mardochée lui avait ordonné (Est 2,20).
Parallèlement aux évènements entourant le couronnement d’Esther, Mardochée, lui qui était assis à la porte royale, eut vent d’une conspiration de deux eunuques royaux pour attenter à la vie du roi Xerxès et il en informa Esther. L’affaire s’avéra vraie et les deux eunuques en question furent pendus. L’épisode fut enregistré dans les annales du royaume (Est 2,21-23).
Mardochée révèle son identité; la disgrâce du peuple juif
Jusqu’à présent, l’histoire n’a rien d’un récit de libération. Esther, jeune, vierge et belle, séduit et se fait soumise et obéissante tant à Mardochée son tuteur qui lui avait demandé de ne pas révéler son identité juive qu’au roi. Son attitude lui vaut le titre de reine que par désobéissance Vasti avait perdu. Avec la complicité d’Esther, Mardochée a réussi à faire avorter une conspiration contre Xerxès. Mardochée et Esther, selon les apparences, agissent en parfaits parvenus, arrivistes serviles pour l’autorité politique étrangère, eux qui en tant que Juifs ne devraient prêter allégeance à aucun roi, si ce n’est à un souverain qui soit serviteur de Yahweh, le Dieu de leurs pères. De plus, le texte ne révèle aucun désir de retourner à Jérusalem. D’ailleurs, depuis que Darius, le père de Xerxès, fut roi, les Juifs ont pu retourner à « leur terre promise ». Pourquoi Esther et Mardochée ne l’ont-ils pas fait? Pourquoi ont-ils préféré demeurer à Suse et servir le roi perse, voire gravir les échelons du pouvoir politique du royaume de Xerxès?
Après la pendaison des deux eunuques, c’est Haman qui entra dans les bonnes grâces de Xerxès qui le nomma à un poste au-dessus de tous les ministres du royaume (Est 3,1). Le récit biblique ne dit rien sur son rôle dans le démantèlement de la conspiration contre Xerxès ou s’il a reçu ces honneurs pour d’autres raisons. Il reste qu’Haman est, dans la hiérarchie royale, tout juste en dessous du roi et tous les sujets doivent s’agenouiller ou se prosterner à son passage, ce que Mardochée ne faisait pas. Haman fut informé de l’affaire et du fait que, si Mardochée agissait de la sorte, c’est parce qu’il était juif. Alors que Mardochée avait interdit à Esther de révéler son identité juive, lui il l’a révélé délibérément. Même s’il n’est jamais question explicitement de Dieu ou de la foi en Yahweh dans le livre d’Esther, Mardochée, en ne se prosternant pas devant Haman, obéit au quatrième commandement : « Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car c’est moi le SEIGNEUR, ton Dieu, un Dieu jaloux, poursuivant la faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations – s’ils me haïssent –, mais prouvant sa fidélité à des milliers de générations – si elles m’aiment et gardent mes commandements » (Ex 20,5-6). Toutefois, Mardochée est serviteur du roi Xerxès et il lui a montré sa grande fidélité et sa totale soumission. N’oublions pas que le roi est devenu en quelque sorte son gendre. Peut-être que sa désobéissance à Haman est le fruit de sa jalousie? Pourquoi Haman, fils d’immigré agaguite, s’était-il valu les honneurs du roi plutôt que lui?
Les origines agaguites d’Haman ont peut-être beaucoup à voir avec l’attitude de Mardochée. Pour creuser l’histoire, il faut se référer au Premier livre de Samuel au chapitre 15. Ce chapitre raconte la campagne de Saül contre Ameleq : le Seigneur lui ordonna de tout mettre à mort, hommes, femmes, enfants et nourrissons ainsi que les animaux des amaléquites (1 S 15,3). Cependant, Saul épargna leur roi Agag. Par ce geste, Saül désobéit à Dieu et Samuel dit à Saül : « Le SEIGNEUR t’a arraché la royauté d’Israël, aujourd’hui, et il l’a donnée à un autre, meilleur que toi. » (1 S 15,28). Samuel, sans devenir roi, assurera la tâche confiée au roi. Lorsque Samuel fit emmener Agag en sa présence, ce dernier affichait un air satisfait : « Il se disait : ” Sûrement, l’amertume de la mort est écartée.” » (1 S 15,32), mais Samuel l’exécuta. On peut s’imaginer que les deux peuples ont entretenu une rivalité, voire une haine, au cours des siècles. Pour le croyant d’aujourd’hui, le commandement de Dieu provoque l’indignation. Le fait que le Seigneur ait voulu éliminer un peuple entier de la surface de la Terre n’est pas ce que nous voulons retenir du texte en tant que chrétiens. Ce que l’on voit en lisant 1 S 15 parallèlement au récit d’Esther, c’est qu’il nous faut éliminer les causes d’hostilité entre les peuples. L’oppression est un de ces liens qui alimente l’hostilité. En pays d’immigration, pendant que les migrants et les fils et filles de migrants ressassent les vieilles hostilités entre leurs ancêtres et ceux de migrants provenant d’autres origines, ils deviennent aveugles à l’oppression dont ils souffrent au moment présent et qui sert à fermenter de nouvelles tensions.
Mardochée et Haman sont fils d’immigrant, mais leur ethnicité est source de conflit et de rivalité. On cherche à savoir lequel des deux peuples sert le mieux l’empire. Cette attitude revient souvent. Face au potentiel oppresseur du roi de la terre d’accueil, dans ce cas-ci Xerxès, on peut choisir de combattre cette autorité ou de la respecter : aucune des deux options n’est ici encouragée; tout dépend du contexte. Mais dans le cas où on choisit d’intégrer les façons de faire de la terre d’accueil et ses mécanismes de l’organisation sociale, on peut utiliser ces mécanismes pour alimenter les vieilles hostilités – ce que semble avoir fait Haman et qui divise outrageusement le pays qui se construit avec son immigration – ou on peut les utiliser pour mettre fin à ces querelles et respecter les différentes communautés ethniques dans ce qu’elles sont, en défendant celles qui sont en proie à l’oppression. La question se pose constamment. S’intégrer, pour un immigrant, cela consiste-t-il à participer à l’oppression pratiquée par le pouvoir en place en terre d’accueil ou accepter la culture sociale et politique de transformation de la société d’accueil? |
Furieux du geste de désobéissance, Haman décida de s’en prendre non seulement à Mardochée mais à tout son peuple, en l’exterminant (Est 3,6). Pour ce faire, il avait besoin d’un décret du roi promulguant l’extermination des Juifs. Son argumentation fut la suivante : « alors Haman dit au roi Xerxès : ” Il y a un peuple particulier, dispersé et séparé au milieu des peuples dans toutes les provinces de ton royaume. Leurs lois sont différentes de celles de tout peuple, et ils n’exécutent pas les lois royales. Le roi n’a pas intérêt à les laisser tranquilles.” » (Est 3,8). Xerxès, ayant confiance en Haman, accéda à sa demande par un décret royal – ceux-ci étant irrévocables par leur nature royale – d’exterminer, tuer et anéantir tous les Juifs (Est 3,13) à une date déterminée, et ce dans les cent-vingt-sept provinces du royaume de Xerxès.
La nouvelle du décret eut un effet dévastateur sur Mardochée et les Juifs des quatre coins du royaume : « apprenant tout ce qui s’était passé, Mardochée déchira ses habits ; il se revêtit d’un sac et de cendre, il sortit au milieu de la ville, il poussa un grand cri amer. » (Est 4,1). La nouvelle de l’état de Mardochée affecta fortement Esther. Par l’intermédiaire d’Hatak, l’un des eunuques mis à sa disposition, elle pût entrer en contact avec son cousin. Par l’entremise d’Hatak, Mardochée informa Esther du sort qu’Haman réservait au peuple juif et lui demanda d’intervenir auprès du roi. Il est notable ici que Mardochée ne dirige pas sa colère contre Xerxès : c’est lui après tout qui a décrété l’extermination des Juifs et Haman n’est que le vassal qui le lui a suggéré. Le respect que Mardochée porte pour la figure politique d’autorité peut surprendre. Moïse avait affronté directement le Pharaon. Il ne cherchait pas à s’introduire à sa cour, il y était déjà ; il cherchait plutôt à se défaire de ce lien qui le reliait à l’autorité politique suprême afin d’intégrer le quotidien des Hébreux. Cela ne semble pas être la stratégie de Mardochée : il ne veut pas se soustraire ou se départir de l’autorité de Xerxès, il veut au contraire intégrer pleinement le cadre politique de l’autorité de Xerxès.
Pour sa part, Esther est bien installée au côté du roi ; elle n’a ni un pouvoir de droit, ni un pouvoir tacite d’influence en faveur des siens, telle une lobbyiste. Comme le texte le mentionne à deux reprises, Mardochée lui avait interdit de révéler son identité juive (Est 2,10;20). L’union d’Esther avec Xerxès ne représentait rien pour le peuple juif. Elle n’était pas le symbole d’une réussite pour les Juifs : cette union n’était que la réussite d’Esther pour elle-même, et Mardochée assurément. Cette réussite, elle la devait aux faits qu’elle ait un corps splendide et qu’elle était belle à regarder (Est 2,7) ; et pour cela, Xerxès tomba amoureux d’elle (2,17).
En réponse à la demande de Mardochée, Esther lui dit :
Tous les serviteurs du roi et le peuple des provinces royales savent bien que quiconque, homme ou femme, va près du roi dans la cour intérieure sans être appelé, il n’y a pour lui qu’une loi : la mise à mort – sauf si le roi lui tend le sceptre d’or, auquel cas il peut vivre. Quant à moi, cela fait trente jours que je n’ai pas été appelée à aller près du roi… (Est 4,11).
À cela Mardochée rétorqua :
Ne t’imagine pas qu’étant dans le palais, à la différence de tous les Juifs tu en réchapperas. Car si en cette occasion tu persistes à te taire, soulagement et délivrance surgiront pour les Juifs d’un autre endroit, tandis que toi et ta famille vous serez anéantis. Or, qui sait ? Si c’était pour une occasion comme celle-ci que tu es arrivée à la royauté… ? (Est 4,13-14)
L’attitude arriviste de Mardochée et Esther, qu’on avait pu percevoir jusqu’à présent dans le texte, semble se transformer. Nous pourrons toujours nous poser la question, à savoir – première possibilité – si l’arrivisme affiché était réel et que face à une situation à la fois précise et extrême les protagonistes du récit se sont sentis investis d’une mission visant le « salut national » des leurs, à l’intérieur des structures de l’empire perse bien entendu ; ou peut-être – deuxième possibilité – s’agissait-il d’une stratégie calculée depuis le début pour prendre parti en faveur du peuple juif en cas de besoin?
Esther prend parti
Esther prit la décision de se présenter face au roi et, par le fait même, de risquer sa vie pour son peuple. Cette fois-ci, Esther n’est pas motivée par son intérêt personnel, mais elle s’engage en faveur de son peuple. Afin de l’aider dans son intercession, Esther demande alors que les Juifs de Suse jeûnent pendant trois jours et trois nuits. Mardochée devait communiquer cette invitation au jeûne et « Mardochée s’écarta, et il fit tout comme Esther le lui avait commandé » (Est 4,17). Esther s’affirme comme Juive, mais aussi comme femme : celui à qui elle obéissait avant son mariage lui obéit maintenant.
La demande d’Esther de jeûner est une pratique juive, bien que non seulement juive ; et dans la tradition juive, le jeûne peut jouer un rôle intercesseur accompagnant une demande faite à Dieu par la prière. Or, ici, il n’y a ni prière ni référence directe à Dieu. Il faut se référer à la version deutéronomique du Livre d’Esther pour entendre une prière accompagnant le jeûne d’Esther. Le texte introduit la prière comme suit :
Esther la reine, en proie à un combat mortel, chercha refuge auprès du Seigneur. Après avoir enlevé ses habits d’apparat, elle revêtit des habits de détresse et de deuil ; à la place des parfums de luxe, elle se couvrit la tête de cendre et de saletés ; elle humilia durement son corps et, tout ce qu’elle parait joyeusement, elle le recouvrit de ses cheveux emmêlés. (Est grec C, 12-13)
Cette péricope montre la conversion d’Esther : celle qui jadis aspirait à un standing social s’humilie physiquement en abandonnant les parures que son titre de reine lui octroyait pour se revêtir de ce qu’une juive en jeûne et endeuillée porte, soit cendres et saletés. Par ce geste, elle s’identifie, elle prend parti pour le peuple de Dieu et elle exprime son parti pris dans sa prière dirigée à son vrai et unique Dieu, celui d’Abraham :
Mon Seigneur, notre Roi,
Toi, tu es le Seul ! Porte-moi secours,
à moi qui suis seule et n’ai d’autre secours que toi ;
car je vais jouer avec le danger. (Est grec C, 14-15)
Arrache-nous à eux par ta main et porte-moi secours,
moi qui suis seule et qui n’ai que toi, Seigneur.
Tu as connaissance de tout :
tu sais que j’ai détesté la gloire des sans-Loi,
que le lit des païens et de tout étranger me dégoûte.
Toi tu sais la contrainte que je subis :
il me dégoûte, l’insigne orgueilleux
que j’ai sur la tête les jours où je suis en représentation ;
il me dégoûte comme une serviette périodique
et je ne le porte pas les jours où je suis au repos (C,25-27)
Ta servante n’a pas trouvé le bonheur
depuis que j’ai changé de condition jusqu’à maintenant,
sauf auprès de toi, Seigneur, Dieu d’Abraham.
Dieu, qui as puissance sur tous,
écoute la voix des désespérés,
arrache-nous à la main des pervers
et arrache-moi à ma peur. (C,29-30)
L’affirmation identitaire est sans équivoque. Esther n’a qu’un seul roi, son Seigneur, le Dieu d’Abraham, celui à qui elle accourt lorsqu’il y a du danger, lorsqu’elle a peur. Son adhésion à la royauté perse n’est pas présentée ici comme un désir de grimper rapidement dans la hiérarchie sociale ; elle est plutôt présentée comme étant forcée : « le lit des païens et de tout étranger me dégoûte. Toi tu sais la contrainte que je subis. » Esther exprime son dégoût pour son diadème, insigne de la royauté de Xerxès – ou Artaxerxès comme le nomme le texte grec d’Esther – en mentionnant qu’elle ne le porte pas le jour de repos que l’on comprend comme le jour du Seigneur. Ce passage montre qu’Esther respecte la loi de Moïse en référence au décalogue :
Que du jour du sabbat on fasse un mémorial en le tenant pour sacré. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le sabbat du SEIGNEUR, ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l’émigré que tu as dans tes villes. Car en six jours, le SEIGNEUR a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le SEIGNEUR a béni le jour du sabbat et l’a consacré. (Ex 20,8-11)
Pour cause, elle respecte la loi parce que ,dans sa prière, Esther dit détester les sans-Loi. N’est-ce pas aussi parce que Mardochée a respecté la loi de Moïse qu’Esther se trouve face au danger?
L’Esprit de Dieu a agi sur le roi Xerxès puisque celui-ci daigna écouter Esther et lui laissa la vie ; mais plus encore, il accéda à sa demande d’organiser un banquet pour lui et Haman. Il n’est pas anodin que le texte mette l’accent sur l’orgueil ressenti par Haman parce que le roi lui a donné une incroyable situation et la reine l’avait invité à un banquet, lui seul avec le roi. Lui aussi, n’est-il pas une belle histoire de réussite de fils d’immigrant? Mais il est davantage ennemi d’un autre peuple d’exilés que de l’oppresseur.
Une nuit, alors que Xerxès ne pouvait dormir, on lui lut les annales du royaume et il tomba sur le passage où Mardochée avait mis un terme à une conspiration qui devait culminer avec la mort du roi Xerxès (Est 6,1-3). Comme Mardochée n’avait pas reçu de récompense pour son geste, Xerxès interpella Haman afin qu’il remette à Mardochée les honneurs qui lui revenaient pour son geste de fidélité au roi (Est 6,10-11). Ce qui déconcerta Haman puisqu’il était présent au palais pour arrêter Mardochée et le faire pendre.
Le lendemain, à la fin du banquet organisé par Esther, le roi lui demanda quelle était sa requête. Mardochée lui répondit que lui soit accordée sa propre vie (Est 7,3) et aussi celle de son peuple. Lorsque le roi demanda à Esther qui avait conçu d’agir ainsi envers son peuple, elle répondit : ” L’oppresseur et l’ennemi, c’est Haman, ce pervers ! ” » (Est 7,6).
Haman fut pendu au gibet qu’il avait lui-même fait préparer pour qu’on y pende Mardochée. « Le jour même, le roi Xerxès donna à Esther, la reine, toutes les possessions de Haman, l’oppresseur des Juifs » (Est 8,1). « Et Esther établit Mardochée sur toutes les possessions de Haman » (Est 8,2).
Le jour de Mardochée
Une fois Haman éliminé, le problème demeurait entier pour les Juifs car il était impossible de révoquer un texte écrit au nom du roi et cacheté avec l’anneau royal (Est 8,8). Le roi Xerxès promulgua donc un autre décret :
Le roi octroie aux Juifs qui sont dans chaque ville de s’unir, de se tenir sur le qui-vive, d’exterminer, de tuer et d’anéantir toute bande armée, d’un peuple ou d’une province, qui les opprimerait, enfants et femmes, et de piller leurs biens, en un seul jour, dans toutes les provinces du roi Xerxès, le treize du douzième mois, c’est-à-dire Adar. Copie de l’écrit sera promulguée comme décret dans toute province et communiquée à tous les peuples, pour qu’au jour dit les Juifs soient prêts à se venger de leurs ennemis. (Est 8,11-13)
Le jour où les Juifs devaient être exterminés, ce sont eux finalement qui dominèrent. Ils se sont unis contre leurs ennemis, non seulement pour se défendre mais aussi pour se venger d’eux. Sous le regard d’un lecteur du XXIe siècle, se défendre contre l’ennemi peut justifier une guerre, mais la vengeance comme motif ne saurait rendre l’entreprise guerrière juste. Ce qui ne semble pas être le cas dans l’Antiquité où l’on considérait la vengeance comme un motif juste et légitime pour mener une guerre.[2]
Les ministres, gouverneurs et autres serviteurs politiques du roi appuyaient les Juifs, « car la terreur de Mardochée était tombée sur eux. Oui, Mardochée était grand au palais, et sa réputation se répandait dans toutes les provinces. Oui, cet homme, Mardochée, allait grandissant » (Est 9,3-4). On rapporte qu’à Suse-la-Citadelle, les Juifs tuèrent plus de cinq cent hommes (Est 9,6). En hommage à ce revirement de situation, les 14 et 15 du mois d’Adar ont été proclamés jours des « destinées » – Pourim – connus aussi comme jours de Mardochée. Cette fête est aussi évoquée en 2 Macchabées 15,36.
La fête du Pourim est encore célébrée aujourd’hui. Même s’il s’agit d’une fête mineure du calendrier juif, elle est importante puisqu’elle célèbre le jour où les Juifs « n’ont pas été éliminés » ; c’est un jour de victoire sur l’antisémitisme d’Haman et il revêt une signification singulière après l’Holocauste. Cette fête est célébrée à une date variable, généralement au mois de mars, qui correspond au 13 du mois d’Adar.
La version grecque du texte d’Esther va plus loin quant à l’avenir de Mardochée. Il ne demeurera pas second du roi : « Or Mardochée succéda au roi Artaxerxès. C’était un grand homme dans le royaume, et il était glorifié par les Juifs. Bien-aimé de toute sa nation, il leur racontait quelle avait été sa conduite. » (Est grec 10,3). « Et Mardochée disait : ” C’est de Dieu que ces événements sont venus.” » (F,1).
Les similitudes d’expériences avec les Latino-Américains
L’histoire d’Esther et Mardochée ressemble à beaucoup de récits d’immigration où les migrants cherchent à se faire une place dans la société d’accueil. Nous nous attarderons dans ce qui suit à l’expérience latino-américaine en Amérique du Nord de manière générale. Un peu comme au temps de l’exil à Babylone où il s’est construit une judaïcité nouvelle par rapport à celle connue avant cette migration, la latino-américanité se forge dans l’expérience de vie des personnes provenant des différents pays d’Amérique latine en terre d’immigration.
Dans les prochaines pages, nous articulerons le récit d’Esther et Mardochée avec les avancées d’une recherche[3] menée dans une communauté catholique latino-américaine qui se réunit mensuellement à l’église Sainte-Trinité à Vaudreuil-Dorion en banlieue ouest de Montréal et appartenant à la paroisse Saint-Michel du diocèse de Valleyfield. La recherche porte sur la dynamique d’hospitalité dans la construction ecclésiale. L’hospitalité ici n’est pas entendue strictement comme le fait de recevoir quelqu’un chez soi et de lui offrir à boire, à manger et un lieu pour dormir ; il s’agit des stratégies utilisées pour faire Église. Quelle sera la langue d’usage, quel rapport l’activité cultuelle qui les réunit entretient-elle avec les autres activités cultuelles de la paroisse? Comment les personnes de cette dite communauté se définissent-elles par rapport aux autres membres de cette communauté latino-américaine catholique et par rapport à la « majorité » qui d’ailleurs n’est pas très bien définie en soi? Comment définissent-elles leur foi et leur latino-américanité? Et en quoi leur perception d’elles-mêmes attirera ou repoussera des personnes susceptibles de faire « église-locale » avec elles? Nous nous référerons donc ici aux entrevues formelles effectuées dans le cadre de la recherche et aussi aux discussions informelles qui ont lieu çà et là, soit au café après les messes ou ailleurs.
Lorsque les Perses ont renversé le pouvoir assyrien, ils ont permis aux Juifs de retourner sur « leurs terres » après plusieurs générations d’Exil. Esther et Mardochée sont restés à Suze-la-Citadelle. Ils auraient pu bien vivre « chez eux », mais ils ont choisi une autre société et ont décidé de s’y intégrer, de la servir, et ils y ont vu la possibilité d’améliorer leur sort en faisant partie des hautes sphères du pouvoir perse. Le « rêve perse » les a séduits. Ils se sont bien intégrés à la société perse. Ils avaient peut-être conservé leur langue d’origine, mais ils parlaient la langue du pays comme « des natifs ». Personne ne peut les identifier comme Juifs ni lorsqu’ils parlent, ni par leurs coutumes ; ils ne semblent ni fréquenter de lieux religieux juifs, ni pratiquer le sabbat; et même leur nom d’usage ne les révèle pas. Il n’y a aucun signe visible qui manifeste leur judaïcité. Pourtant, un jour, un évènement déclenchera le besoin d’affirmer cette identité. Mais qu’est-ce qui peut bien faire en sorte qu’ils s’identifient comme tels? Ils n’ont ni la langue, ni la pratique religieuse, ni le nom, ni les coutumes, ni le sentiment d’appartenance à la terre promise.
Esther et Mardochée ne veulent pas se libérer de l’Empire perse, ils veulent s’y intégrer, faire partie de sa classe de privilégiés, réussir, avoir du succès dans le royaume de Xerxès. De la même manière que les immigrants latino-américains aux États-Unis, ils ne cherchent ni à s’en libérer ni à en combattre le pouvoir. Il est très rare qu’une personne migre par désir d’appuyer les luttes de transformations sociales des autres sociétés. En général, le migrant « fuit » les problèmes causés par ces luttes dans son pays d’origine ; et surtout il cherche un endroit où il sent qu’il pourra s’émanciper, faire prospérer ses talents.
Dans le récit d’Esther et Mardochée, tout comme dans le quotidien des immigrants en général, il existe une certaine tension entre la préservation de l’identité d’origine et la réussite individuelle en terre d’accueil. Parfois, on verra ces deux éléments complémentaires. Lorsqu’un immigrant voit une personne ayant la même origine, la même identité que lui, réussir individuellement, cela peut être inspirant pour lui. Il sent que, malgré tout, il est possible de jouir d’une réussite dans cette société d’accueil. En même temps, certains relèveront que, pour réussir, il aura fallu nier ses origines. Par exemple, Ted Cruz, candidat à l’investiture républicaine de 2016 et le candidat d’origine latino-américaine qui s’est rendu le plus loin dans une investiture pour les présidentielles, n’a toutefois pas hésité à se faire le porte-étendard de l’érection d’un mur à la frontière du Mexique et des États-Unis.
Dans ce qui suit, nous traiterons des éléments ici soulevés : d’abord la recherche de la réussite et ensuite la préservation et construction identitaire. Nous conclurons avec des pistes de réflexion dans le cadre de la recherche en cours à Vaudreuil-Dorion.
Le rêve perse vs l’american dream
Dans le cadre de notre recherche à Vaudreuil-Dorion, nous ne nous sommes pas intéressés à la question du succès économique en tant que telle. Toutefois, force est d’admettre que l’objectif d’accéder à un bien-être socioéconomique devient inévitablement transversal aux différents aspects de la vie de l’immigrant : sa relation à l’éducation, au marché du travail et aussi à sa foi, à ses valeurs religieuses et à la façon dont il les pratiquera.
Des statistiques révèlent qu’au États-Unis, 72% des latinos sont d’avis que leur succès dépend de la réussite des autres latinos.[4] Les latinos vivant aux États-Unis, et cela peut aussi être le cas ailleurs, associent l’identité et le succès, ce qui favorise l’émergence d’un sentiment de destin commun aux porteurs de l’identité latino-américaine.
L’intégration à la société d’accueil et le succès économique risquent d’être confondus. Les deux aspects sont en effet inter-reliés. Pour avoir un bon emploi, il faut bien maitriser la langue de la société d’accueil. Un bon salaire permet d’acquérir des biens et des propriétés, ce qui augmente le sentiment d’appartenance à la société. Adhérer à un bon régime de retraite et bénéficier de bons avantages sociaux permettra d’envisager de prendre sa retraite en terre d’accueil et de s’y sentir chez soi. Le bien-être économique fait en sorte que les personnes se sentent bien là où elles sont et, par le fait même, partie prenante de cet endroit et de la société qui s’y trouve.
Lors de différents entretiens dans le cadre de la recherche, plusieurs personnes de la communauté latino-américaine disaient que l’une des choses qu’elles apprécient au Québec, c’est le « parfait » trilinguisme que développera leur enfant. En effet, les immigrants de deuxième génération ou arrivés en bas âge développent un usage de l’anglais, du français et de la langue du pays d’origine de leur famille comme s’ils avaient trois langues maternelles. Souvent, les immigrants de première génération arrivés au Québec à l’âge adulte développeront aussi ce trilinguisme. Ils sont fiers de leur trilinguisme, et surtout de celui de leurs enfants. Ils n’hésitent pas à l’afficher, à sauter d’une langue à l’autre à l’intérieur d’une conversation et à répondre dans n’importe quelle langue selon ce qu’on attend d’eux. Les principes de la loi 101 leur sont insaisissables : comment un peuple peut-il se fermer devant tant d’ouverture linguistique? dira-t-on. Ceux qui ont lutté pour le droit des travailleurs de travailler dans leur langue et d’être servis dans leur langue se sentent souvent froissés de cette situation. L’apprentissage et l’usage courant de l’anglais et du français symbolisent une certaine réussite personnelle. Ce bilinguisme est LA porte d’accès au succès au Québec ; il permet d’accéder aux meilleurs emplois et de se tailler une place de choix dans cette société d’accueil.
L’immigrant parlera ouvertement de ses projets de richesse personnelle et partagera ses stratégies, en exprimant ce en quoi la société et les instances publiques d’ici peuvent contribuer à son projet économique personnel. Et sinon, après ses études, il peut toujours s’enrichir ailleurs. On n’a pas le sentiment de devoir quelque chose à la société ; on n’est pas venu pour elle, on est venu pour soi.
Les natifs, pour leur part, préfèrent croire que le peu que la société a à offrir aux nouveaux arrivants est de toute manière mieux que ce à quoi ils pouvaient aspirer dans leur pays d’origine. Or, la situation n’est pas si simple.
Les pays du Nord sont encore empreints « du mythe » du clivage Nord-Sud, le Nord étant riche, le Sud étant pauvre. Cette analyse simpliste omet que, dans un endroit comme dans l’autre, il y a un clivage entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. En ce sens, le travailleur du Nord n’est pas mieux nanti que le chef d’entreprise du Sud. Il est fondamental d’abattre ce mythe pour voir ce qui se passe dans les motifs de ceux qui immigrent ici. Ils ne se perçoivent pas d’emblée comme victimes ; ils se perçoivent comme des gens de classe moyenne qui aspirent, comme les gens de la classe moyenne de partout, à améliorer leur sort. Et comme « tout le monde », on pense que le jardin du voisin est plus vert que le nôtre. Alors, pourquoi ne pas essayer d’améliorer son sort là-bas? Souvent, les gens vivent bien dans leur pays d’origine, mais ils veulent vivre mieux.
Esther et Mardochée ne veulent pas se libérer de l’empire perse, ils veulent s’y intégrer, faire partie de sa classe de privilégiés, réussir, avoir du succès dans le royaume de Xerxès. De la même manière, les immigrants latino-américains dans le sous-continent Nord-américain ne cherchent ni à combattre, ni à se libérer du pouvoir. Une personne ne migre que très rarement par désir d’appuyer les luttes de transformations sociales de la société d’accueil. En général, le migrant « fuit » les problèmes causés par ces luttes dans son pays d’origine et surtout il cherche un endroit où il sent qu’il pourra s’émanciper, faire valoir ses talents.
A priori, Esther et Mardochée ne sont pas à Suze-la-Citadelle pour la gloire du peuple juif, le peuple élu par le Dieu d’Abraham et Moïse. Mardochée ne se sent pas menacé par le pouvoir perse auquel il souhaite contribuer et par lequel il désire gravir les échelons de cette société. D’autres fils d’immigrants comme lui, comme ce fut le cas d’Haman, sont plus menaçants pour ses ambitions ; et Mardochée ne souhaite pas se prosterner devant lui, alors qu’on s’imagine qu’il le ferait volontiers devant le roi Xerxès. La solidarité entre fils d’immigrants n’est pas un critère pour l’intégration, alors que la soumission au pouvoir de la société d’accueil est souvent considérée comme telle. Mardochée et Esther représentent très bien, à notre avis, les aspirations d’une vaste majorité d’immigrants motivés par le succès que laisse miroiter cette terre d’accueil qui leur semble remplie de promesses et de possibilités. Qui peut le leur reprocher? Personne n’a à être en accord ou en désaccord avec ces aspirations ou motivations. L’accueil auquel le chrétien est appelé ne le transforme pas en juge d’intentions des autres. Accueillir un immigrant, ce n’est pas accueillir un être parfait : c’est tout simplement accueillir un être humain avec ses aspirations personnelles, qu’elles plaisent ou non.
Identité : foi ou ethnicité
La foi a une portée identitaire importante, presque autant que l’ethnicité et, dans certains cas, plus que l’ethnicité. Il est difficile de voir dans le cas d’Esther et Mardochée laquelle des deux dimensions de leur identité est cachée et révélée tellement ces deux dimensions se confondent. On serait tenté de croire que, dans leur cas, l’identité est d’abord et avant tout ethnique. En lisant le livre canonique d’Esther, il est difficile de comprendre à première vue l’identité comme étant liée à la foi puisqu’aucune mention du Dieu d’Israël n’y est faite. Mais à quoi peut bien tenir l’identité ethnique d’Esther et Mardochée? À leur langue d’usage? À leur attachement à la mère-patrie? À des traits physiologiques? Lorsqu’Haman voulût justifier l’élimination systématique des Juifs, il dit : « il y a un peuple particulier, dispersé et séparé au milieu des peuples dans toutes les provinces de ton royaume. Leurs lois sont différentes de celles de tout peuple, et ils n’exécutent pas les lois royales. Le roi n’a pas intérêt à les laisser tranquilles » (Est 3,8). Jamais on ne dit dans le texte qu’Esther ou Mardochée sont identifiés en tant que Juifs à cause de la langue qu’ils parlent, ou de leur accent, ou à cause d’un autre caractère proprement juif et perceptible. Comme nous l’avons mentionné précédemment, Mardochée dit à Esther à deux reprises, selon le texte, de ne pas révéler qu’elle est juive, afin qu’elle passe incognito dans la société perse et qu’elle puisse y faire sa place à l’abri des préjugés. L’identité juive de Mardochée sera pour sa part révélée par un geste qu’il posera, soit de ne pas se prosterner devant Haman, et pour lequel on lui dira : « pourquoi transgresses-tu le commandement du roi ? » (Est 3,3). En d’autres mots, c’est un geste de résistance face à l’autorité politique qui révèle l’identité de Mardochée. Ne pas accepter de glorifier, d’honorer ou vénérer d’autres êtres que Dieu, fait partie de la loi juive ; et Mardochée la respecte au prix de sa propre vie. Pourtant, il ne mentionne guère qu’il le fait par fidélité à Dieu. Mais la manifestation de son identité ne saurait être ici uniquement ethnique. Il y a un lien avec la foi, celle qui vivifie un « idéal » promu par le Dieu d’Abraham, même si Mardochée semble avoir oublié l’idéal de la terre promise. Une tradition d’engagement dans la société et de défense d’une loi propre reste présente malgré tout dans l’imaginaire collectif du peuple juif dont la caractéristique devient, du moins dans ce cas-ci, la capacité de résister.
Ne serait-ce pas cet élément aussi présent dans la foi chrétienne qui souderait l’identité latino-américaine? Même si on ne sait trop ce qu’est un Latino-Américain et même si la foi chrétienne peut se manifester à travers des dénominations toutes aussi différentes les unes des autres, le fait de sentir à un moment précis de la vie que l’on appartient à Dieu est lié avec les moyens sociaux culturels qu’Il a utilisés pour développer la foi du croyant. Du coup, l’identité ethnoculturelle et l’identité religieuse se confondent. L’une est subtilement mais intrinsèquement corollaire de l’autre. Les signes, symboles, mots, images et récits que Dieu utilise pour nous éduquer à la foi en lui n’appartiennent-ils pas à une identité culturelle déterminée? Tout ce que le croyant a appris sur Dieu et tout ce qu’il peut transmettre de lui, il le doit à une ou des langues déterminées, à une pratique culturelle et cultuelle propre, bref à une foule d’éléments qui constituent son identité culturelle. Ces éléments sont autant indéniables que versatiles, à la fois enracinés et en constante transformation.
Construction de l’identité juive vs construction de l’identité latino-américaine
Dans la recherche présentement menée, la question de l’identité latino-américaine a été posée. Toutes les réponses affichent une importante ambiguïté quant à cette identité. Et pour cause, c’est que le Latino-Américain n’existe pas en soi. Les gens sont originaires d’un pays appartenant à l’ensemble géographique latino-américain certes, mais en général ils s’identifieront comme Colombiens, Chiliens, Mexicains. Le sentiment d’être latino-américain n’apparait qu’en situation migratoire. En cela, il y a une grande similitude avec l’identité juive qui s’est formée au temps de l’exil, essentiellement chez les exilés.
La construction identitaire en contexte migratoire se fait en deux temps : 1) par la prise de conscience de ce qui distingue le migrant de la majorité du pays d’accueil et 2) par la prise de conscience de ce qui lie de manière particulière le migrant avec certains autres migrants. La prise de conscience de dissemblances et de similitudes est un processus très subjectif, mais elle contribue à la formation d’une psychè commune. Une psychè qui se forme autour d’une expérience commune, souvent traumatique.
Dans une expérience traumatique, le « je » de la psychè est temporairement anéanti et brise tout cadre expérientiel.[5] L’expérience migratoire en soi constitue un traumatisme provoquant une cassure du « je » du sujet migrant en perte de référence collective puisque loin des siens. Il est conséquent de penser que cette situation soit un contexte propice à l’émergence d’une psychè collective d’un groupe de migrants. Bien qu’ils soient très différents les uns des autres, les immigrants chercheront des points communs avec d’autres personnes ayant des identités minoritaires afin de refondre leur attachement à une identité collective qu’on est en train de créer par le fait même.
L’identité juive telle que nous la connaissons se forge durant les soixante-dix ans d’exil à Babylone. Durant cette période, il y a eu trois vagues de déportation. Nous savons qu’Israël fut constitué de plusieurs tribus. Le royaume fut unifié sous David, mais divisé après Salomon, successeur de David. L’unité du royaume fut éphémère. Paradoxalement, ce qui fonda une unité juive, une communauté identitaire, c’est l’évènement de l’exil à Babylone. Les personnes déportées de Jérusalem proviennent de différentes tribus et régions ; chacune d’entre elles a sa propre culture et sa propre façon de concevoir Dieu et sa relation avec les autres dieux selon les autres cultures qu’elles côtoient. Mais en exil, la ressemblance avec toutes celles qui partagent une même langue, un attachement au même Dieu et à Jérusalem et son temple, fera en sorte qu’elles se reconnaitront petit à petit une histoire commune, qui marquera la rédaction des écritures s’articulant précisément durant cette période d’exil.
Ces exilés à Babylone ont constitué une commune « assemblée d’exilés au cours des décennies qui suivirent, s’identifiant eux-mêmes comme le véritable Israël en mettant l’accent de plus en plus sur les traditions des ancêtres, l’exode, le séjour au désert, et la conquête de l’ancien Israël. Les exilés voyaient leur sortie de Babylone comme un deuxième exode et leur retour sur leur terre comme une nouvelle conquête. Leur expérience commune de vie en diaspora où ils ont ensemble frôlé la mort les distingue des « pauvres de pays » demeurés en terre de Juda. Rappelons que les juifs ayant été forcés à l’Exil babylonien étaient généralement issus des couches sociales les plus élevées du Royaume de Juda. (Carr p.130)
Comme nous l’avons mentionné plus haut, le « peuple juif » uni sous le règne du roi David est composé de populations vivant des réalités culturelles et historiques diversifiées. Pour faire court, nous pouvons identifier au moins deux réalités socioculturelles différentes depuis la période avant David et jusqu’à celle un peu avant l’exil à Babylone : Israël (royaume du Nord) et Juda (royaume du Sud). La tradition du peuple de l’exode et des patriarches serait originaire d’Israël, alors que l’attachement à Jérusalem/Sion et au Temple serait propre à Juda. Avec le mouvement des frontières, les unifications et les désunifications ainsi que les migrations, les héritages d’Israël et de Juda ont commencé à se mélanger.
L’appropriation judéenne de la tradition israélite marque un pas considérable dans la transformation et la construction de l’identité collective. Juda et Israël partageaient le même Dieu d’État, Yahweh, et beaucoup de points culturels communs, mais leurs traditions étaient distinctes (Carr p.61). Le prophète Osée en Israël et le roi Josias en Juda prescrivaient le culte à Yahweh seulement, mais c’est dans le second Isaïe – un texte exilique – qu’on ira jusqu’à nier l’existence d’autres dieux en plus de promouvoir le seul culte à Yahweh. Il y a quelque chose de nouveau qui apparait : non seulement des individus se reconnaitront autour de leur croyance-adhésion à un Dieu commun, mais ce Dieu est le seul et unique qui existe ; et cela marque une grande distinction sur le plan identitaire. Ces gens se voient comme les seuls au monde ayant un Dieu, un vrai et unique Dieu. Cela les caractérise et les distingue de tous les autres peuples du monde, à leurs propres yeux à tout le moins. Non seulement ils auront trouvé ce qui les unit « entre eux », mais aussi ils auront trouvé ce qui les distingue de tous les autres peuples du monde : Dieu.
Pour ce qui est des Latino-américains au Québec, lorsque l’on demande : qu’est-ce qui fait qu’une personne se sente latino-américaine, qu’ont-elles en commun? On répondra le plus souvent la langue. Mais dans les faits, le Brésilien que l’on considère latino-américain, et qui se considère généralement comme tel, est cependant lusophone. De plus, généralement, les personnes originaires d’Argentine ne se considèrent pas latino-américaines, pas plus que les Espagnols d’ailleurs même s’ils sont généralement hispanophones. On mentionne souvent aussi d’autres traits culturels comme la nourriture, la musique et la foi. Il est vrai que plusieurs pays ont des plats communs et des genres musicaux communs, mais beaucoup sont nationaux, voire régionaux. Quant à la foi, il est vrai qu’on partage un héritage catholique commun, et bien que les pays d’Amérique latine soient de plus en plus pluridénominationnels, ils demeurent à très forte majorité chrétienne. Force est d’admettre que souvent, les pratiques religieuses d’une même dénomination sont très diversifiées d’un pays à un autre. Beaucoup d’autres pays sur d’autres continents ou des ensembles géopolitiques sont aussi à forte majorité chrétienne sans que cela tisse une identité commune avec ceux-ci. Mais, il y a ce que plusieurs expriment comme étant « ese alguito que tenemos nosotros » (ce petit quelque chose que nous avons) et qu’on n’arrive jamais à expliquer clairement. Cependant, on « sent » ce que cela veut dire et c’est certainement à la rencontre des éléments précédemment énumérés même si ce n’est pas seulement ni exactement cela.
Évidemment, le phénomène religieux identitaire observé dans l’exil du « peuple juif » à Babylone ne peut se répéter de la même manière. D’abord, parce que la foi en Dieu s’est fragmentée par la suite (conséquemment, d’autres crédos ont pour seul Dieu le Dieu d’Abraham) et parce que même l’expérience chrétienne de Dieu s’est trop universalisée pour qu’un groupe de migrants se l’approprie en excluant toute autre compréhension de ce même Dieu. Les Latino-Américains ont d’autres choses que leur foi en Dieu qui les distinguent en leur terre d’accueil ; les natifs, dans une certaine mesure, se réclament aussi de la même tradition religieuse qu’eux.
Cependant, la façon latino-américaine de comprendre ce Dieu des chrétiens peut leur être propre malgré leurs divergences dénominationnelles. Dans son livre Être latino en Christ[6], Orlando Crespo soulève, entre autres, une caractéristique commune aux latinos vivant aux États-Unis : celle d’être « multiracial ». Bien entendu, la latinité ne saurait être la même aux États-Unis et au Québec parce que, comme celle-ci se constitue de points communs qui les distinguent de la majorité, cette dernière est très différente dans chacun des deux cas. Une caractéristique qui les distingue des États-Uniens ne les distingue pas nécessairement des Québécois et vice-versa. Crespo écrit à partir du contexte états-unien où on est habitué à répondre sur les formulaires: non-hispanic white, non hispanic black, hispanic. Au Québec, nous ne sommes pas habitués à nous définir par notre « race », d’abord parce qu’elles n’existent pas chez les humains, et parce qu’une telle identification par la couleur de peau ne peut être que négativement discriminatoire. On peut dire que le fait de parler telle ou telle langue nous configure dans un cadre culturel, mais le fait d’avoir la peau de telle ou telle autre couleur n’a pas de relation de cause à effet sur la culture. Il faut admettre que, si l’on catégorise par la couleur de peau, cela peut à la longue créer des cultures différentes, parce que l’on associera cette caractéristique à un rôle social déterminé où une catégorie assumera le rôle des dominants et l’autre celui des dominés.
En conclusion
Lorsque des Latino-Américains se rassemblent « entre eux » en communauté ecclésiale, il y a déjà un processus d’appropriation de la terre d’accueil qui s’opère. Certains pourraient voir ce « réflexe » de se retrouver « entre eux » comme un enfermement identitaire. Ce n’est cependant pas le cas car le « entre eux » n’existe pas en soi : ils sont en train de le construire à mesure qu’ils s’ouvrent aux autres cultures d’Amériques du Sud, d’Amérique Centrale et des Caraïbes. La langue commune qu’ils possèdent leur permet d’aller à la rencontre d’autres personnes, qui ont dû s’approprier ou qui sont en train de s’approprier une même terre d’accueil. Les expressions, les allusions, les analogies utilisées se distinguent de plus en plus de celles de leur terre d’origine pour ressembler de plus en plus à celles qui sont d’usage chez ceux qui parlent l’espagnol en terre d’accueil. Une identité nouvelle est en train de naître, une identité latino-américaine proprement québécoise. Elle n’est ni colombienne, ni chilienne, ni mexicaine. Elle n’est pas non plus comparable à l’identité latino-américaine qui se développe aux États-Unis. Un peu comme le peuple juif a vu naitre une identité propre à Babylone : une poignée d’exilés ont façonné irréversiblement la manière d’être juif et de croire en Dieu et ont donné naissance à des préceptes de foi inédits. Les chrétiens du XXIe siècle peuvent-ils se fermer à ces identités naissantes porteuses de foi chrétienne qui changent leur paysage religieux traditionnel? Cette identité latino-américaine proprement québécoise, tout comme les autres identités migrantes qui se forgent, ne pourraient-elles pas, elles aussi, être appelées comme Dieu l’a fait avec les exilés juifs à Babylone, à être les pionnières d’une foi renouvelée, sans laquelle le christianisme tel que nous l’avons connu risquerait de se scléroser, voire de s’atrophier, jusqu’à ce que mort s’ensuive?
Comme nous l’avons vu, cette identité émergente nait de personnes qui ont certaines caractéristiques culturelles en commun dont la langue, mais elles ont aussi des aspirations personnelles. Dans beaucoup de cas, elles sont venues en quête d’une terre promise « économique ». Elles ne l’ont pas nécessairement trouvée; ou du moins, celle-ci n’avait pas nécessairement la splendeur espérée. N’est-ce pas là, lorsque les aspirations au succès économique stagnent et qu’elles semblent devenir vaines, comme c’est le cas pour Esther et Mardochée, que la foi peut devenir une ressource? D’abord une ressource pour se retrouver soi-même dans la société d’accueil, c’est-à-dire pour y définir son identité.
L’exemple du récit d’Esther et Mardochée, en lien avec ce que nous avons exposé quant à la question latino-américaine au Québec, nous permet de formuler quelques questionnements qui pourraient éventuellement être utiles dans le cadre de la recherche présentement menée dans la communauté latino-américaine de la paroisse St-Michel à Vaudreuil-Dorion :
[1] La version grecque du Livre d’Esther donne une information différente à ce sujet : Or il était tuteur d’une enfant, une fille de son oncle Aminadab ; elle se nommait Esther. Elle avait perdu ses parents et Mardochée l’avait élevée pour en faire sa femme. La jeune fille était belle à regarder. (Est grec 2,7)
[2] Voir Martin Bellerose, “La guerre juste à la lumière de la doctrine augustinienne de la prédestination”, Science et Esprit, vol.67, fasc. 1, janvier-avril 2015, p.84.
[3] La recherche se fait en collaboration avec le Centre justice et foi, l’Institut de pastorale des Dominicains et la Paroisse St-Michel de Vaudreuil-Dorion.
[4] Malavé, Idelisse; Esti Giordani, Latino Stats, New York, The New Press, 2015, p.123.
[5] Carr, David M., Holy Resilience. The Bible’s Traumatic Origins, New Haven, Yale University Press, 2014.
[6] Crespo, Orlando, Being Latino in Christ, Downers Grove IL, Inter-Varsity Press, 2003.