Restez à l’affut de nos parutions !
abonnez-vous à notre infolettre
La souveraineté a fait des progrès extraordinaires. Mais la déception et la tristesse de très nombreux militants du OUI, suite au résultat du vote, n'étaient rien à côté de la consternation et du scandale qu'a provoqués chez eux le discours du premier ministre Jacques Parizeau.
En quelques minutes, devant les caméras du monde entier, M. Parizeau a sérieusement mis en péril le travail patient que des milliers de souverainistes font, depuis 30 ans, pour passer d'un nationalisme ethnique et frileux à un nationalisme ouvert et territorial.
Et cette déclaration a malheureusement rejeté dans l'ombre les efforts réels et importants qu'ont faits, depuis plusieurs années, tant le gouvernement du Québec que le Parti québécois pour l'accueil, le respect et l'intégration de ses diverses minorités ethniques et linguistiques.
La démission de M. Parizeau, annoncée le lendemain du vote, n'efface malheureusement pas les dommages causés par son discours de la veille. C'est pourquoi nous avons jugé nécessaire de prendre la parole, publiquement et vigoureusement, pour dire à tous nos concitoyens, qu'ils soient de langue française ou de langue anglaise, du Québec ou du reste du Canada, que le mouvement pour la souveraineté du Québec ne se reconnaît pas dans les propos inacceptables tenus, le soir du 30 octobre, par M. Parizeau.
Ces propos, tant par leur ton que par leur contenu, ne représentent ni le mouvement souverainiste actuel, ni l'orientation des nombreux groupes qui le composent, ni le projet de société mis de l'avant par le camp du OUI, ni non plus l'avenir de la souveraineté au Québec.
Et nous nous réjouissons des interventions claires et vigoureuses qui ont été faites en ce sens, depuis deux jours, tant par des responsables politiques du camp du OUI que par de nombreux groupes et individus qui militent pour la souveraineté.
Pour nous, «est québécois toute personne qui habite le territoire du Québec et qui veut participer à sa construction». Et nous ne tolérerons jamais, de qui que ce soit, que nos concitoyens anglophones, allophones ou autochtones soient traités comme des citoyens de seconde zone.
Il ne faut tolérer aucun propos qui risque de permettre le développement, dans notre société, de la xénophobie, du racisme ou de l'intolérance. L'appel à la «revanche» n'a pas sa place non plus, ni sur le plan politique, et encore moins dans nos rapports entre concitoyens.
Certes, les résultats du référendum révèlent une profonde division de la société québécoise, division dont il nous faut prendre acte et parler ensemble pour exorciser nos peurs et nos haines, individuelles et collectives, et pour trouver ensemble nos voies possibles de convivialité.
C'est pourquoi nous tenons à réaffirmer publiquement notre solidarité avec tous nos concitoyens du Québec, quelles que soient leur langue, leur origine, leur religion ou leur arrivée plus ou moins récente. Plus que jamais, il nous apparaît urgent et nécessaire de travailler au développement d'une culture publique commune, qui permette à tous les Québécois de se reconnaître et de se respecter dans leurs différences, pour pouvoir mieux vivre ensemble.
Texte paru dans Le Soleil, Opinions, Vendredi 3 novembre 1995, A12